La ville qui n'aimait pas son roi
Bègue?
— En haut…, monsieur.
Perrine s’avança à son tour, les yeux émerveillés.
— Revenez-vous, monsieur?
— Non, je vous l’ai dit, je ne peux rester. Je suis désormais au service du roi de Navarre.
— Un hérétique! fit Perrine dans un haut-le-corps.
— Non, Perrine, un bon roi, et un noble gentilhomme, répliqua Olivier, se forçant à rester affable. Tu apprendras à le connaître et à l’aimer, comme moi.
— Jamais! cracha-t-elle. J’aurais trop peur d’être damnée!
Elle soutint son regard un instant avant de baisser les yeux.
— Avez-vous besoin de quelque chose? demanda Olivier à Thérèse pour cacher son chagrin devant l’intolérance de sa servante.
— M. Le Bègue s’occupe de tout, monsieur. Nous n’avons besoin de rien, sauf de votre présence. Nous avons souvent eu peur, on parle toujours d’une Saint-Barthélemy des catholiques.
— Que prépare le roi de Navarre! fulmina Perrine. C’est le curé Boucher qui nous l’a affirmé!
— Boucher est un menteur et un méchant homme, sachez-le! dit Olivier un ton plus haut. C’est lui qui m’a fait emprisonner. Il voulait me faire pendre pour cacher les friponneries de ses amis que mon père avait mises au jour. En revanche, le roi de Navarre est un homme bon et tolérant que vous ne devez pas craindre.
— Monsieur Olivier!
C’était Le Bègue qui, ayant entendu des éclats de voix, arrivait de l’étage.
— Mon bon Jacques! s’exclama Olivier en se jetant dans ses bras.
— Vous êtes de retour, monsieur?
— Non, mon ami, je suis juste passé vous saluer, je ne reste pas à Paris. Je voulais aussi vous annoncer que j’ai épousé Mlle Cassandre.
— Monsieur! Que je suis heureuse! s’exclama Thérèse, tandis que Perrine restait muette.
— Vous avez tous nos vœux de bonheur, monsieur, dit Le Bègue, nous avons tant hâte de vous revoir avec votre épouse.
— Moi aussi, mes fidèles serviteurs. Ce n’est pas tout, mon bon Jacques, j’ai été anobli par le roi de Navarre, et Cassandre a découvert son véritable père : c’était le prince de Condé, elle est désormais dame de Saint-Pol.
— C’est donc une grande dame! murmura Thérèse.
— Oui, cousine du roi de France et du roi de Navarre, elle est petite-fille de Saint Louis. Je voulais que vous le sachiez. Quand vous la verrez, vous devrez lui marquer le respect dû à la sœur et à la fille d’un prince de sang.
Jacques s’inclina.
— Vous pouvez être certain de notre fidélité, monsieur.
— Je le sais, mes amis et bons serviteurs. Jacques, as-tu besoin d’argent?
— Non, monsieur. Je travaille pour M. Séguier qui me donne des gages suffisants, mais nous n’avons pas gardé de concierge. Le notaire, maître Fronsac, s’est occupé de tout pour la maison…
— Montons, Jacques, il faut que nous en parlions.
Ils sortirent de la cuisine et prirent l’escalier pendant que les deux servantes restaient à commenter l’incroyable visite
de leur maître.
Arrivé dans son ancienne chambre, Olivier expliqua à son commis :
— Jacques, tu n’ignores pas ce qui se passe à Paris, des troubles peuvent éclater…
— Hélas, monsieur.
— Si cela arrivait, j’ai proposé à mon ami Nicolas d’envoyer sa famille se réfugier ici. Il va y avoir des pillages, et le temps que l’ordre soit rétabli, ils seront en sécurité dans ma maison.
» Tu feras des provisions de nourriture et d’eau. N’en parle pas pour l’instant à Thérèse et à Perrine. S’il y aémeute, n’ouvrez plus à personne. La maison est imprenable, tu le sais.
— Vous pouvez compter sur moi, monsieur.
Olivier lui laissa cinq pistoles avant de redescendre.
— Quand reviendrez-vous, monsieur? demanda Le Bègue alors qu’ils regagnaient la cuisine.
— Je ne sais pas… Avec la paix, certainement, mais quand reviendra-t-elle? Nous ne pouvons que prier Dieu de nous l’amener bien vite.
— Monsieur, commença Perrine avec hésitation. La dernière fois que nous avons vu Mlle Cassandre, elle était avec son père, M. de Mornay, le ministre du roi de Navarre, un hérétique. Elle serait donc aussi huguenote? Vous êtes-vous converti à la religion prétendument réformée?
— Non, Perrine, je suis catholique priant Dieu et je le resterai.
— Et madame votre épouse? demanda Thérèse.
— Elle est restée dans sa foi. Catholiques et protestants devons apprendre à vivre ensemble. Peu
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