La ville qui n'aimait pas son roi
insurrection avec la sainte union.
— En effet, répondit-elle d’un ton pincé. Mais si je le débarrasse du roi, les choses seront plus simples pour lui.
Cabasset n’était pas certain que le duc de Guise apprécie l’initiative de sa sœur, mais il n’eut pas le loisir d’en discuter,
car elle lui demanda :
— Le curé Boucher n’a toujours aucune nouvelle de Pierre de Bordeaux?
— Non, madame, mais à ce sujet il m’a parlé de son cousin, un nommé Clément, qui lui a dit vouloir venger celui qu’il considérait comme son frère, si ce dernier était mort. Il serait prêt à partir à son tour pour Nérac.
— Grand bien lui fasse! Mais si Bordeaux, qui était un truand et qui parlait gascon, a échoué, comment ce Clément pourrait-il réussir?
— C’est ce que j’ai dit, madame, approuva Cabasset. Le père Boucher m’a rapporté aussi que vous aviez donné quelques pécunes à Boucher pour qu’il loge Clément à la Croix-de-Lorraine. Or, l’argent est dépensé et il ne sait que faire de ce clerc.
— Qu’il aille au diable! cracha-t-elle.
À cet instant, un laquais gratta à la porte pour annoncer une nommée Perrine.
— Je me retire madame, dit poliment Cabasset.
— Non, restez! Cette Perrine est la servante de Hauteville qui vous a vaincu à Garde-Épée. Ce qu’elle va m’annoncer peut vous intéresser.
Le valet fit entrer Perrine, toute crottée et intimidée.
— Qu’avez-vous à me dire, ma fille? demanda aimablement la duchesse.
La domestique jeta un œil craintif vers Cabasset, se demandant qui était ce gentilhomme brun comme un charbonnier, maigre
et noueux, et surtout armé comme un spadassin avec casaque matelassée, petit chapeau noir et longue dague.
— Mon maître… M. Hauteville est venu chez nous, madame, balbutia-t-elle.
— Quand? répliqua la duchesse en frémissant.
— Il y a une heure ou deux.
— Y est-il encore?
— Non, madame, il est reparti, il ne m’a pas dit où.
— Pourquoi est-il à Paris? demanda la sœur de Guise avec un sourire factice.
— Il n’a rien dit, madame… mais…
— Mais?
— Il a changé.
— Changé? la coupa la duchesse avec brusquerie.
— Il est différent, madame. Il portait une épée comme un gentilhomme. Le roi de Navarre l’aurait anobli.
— Anobli! s’étouffa la sœur de Guise avec un air outré.
— Oui, madame, et il est marié…
— Avec qui?
Sous un masque souriant, les yeux de Catherine de Lorraine fulminaient de malveillance.
— Avec une dame venue habiter chez nous qui s’appelait Cassandre, c’était la fille de M. de Mornay…
— Elle était avec lui? s’enquit la duchesse.
— Non, madame, je ne sais même pas si elle est à Paris, balbutia Perrine qui ne s’attendait pas à cette question, puisqu’elle ne venait que pour pouvoir changer de maître.
Seulement voyant que la duchesse s’intéressait à Cassandre, elle crut faire avancer son affaire en ajoutant :
— Mais tout à l’heure, mon maître nous a dit que son épouse n’est pas la fille de M. de Mornay…
— Quoi?
— Elle serait la fille de M. le prince de Condé.
— Condé! aboya Mme de Montpensier.
— Oui, madame, fit Perrine en reculant d’un pas, apeurée par cette réaction. Elle s’appelle Mme de Saint-Pol. Monsieur nous a dit que nous devrons lui marquer le respect dû à la fille d’un prince de sang et à la cousine du roi…
— Condé…, répéta la sœur de Guise, blanche de rage. Condé! Une maudite bâtarde!
Elle avait les yeux brillants de fureur et de méchanceté. Perrine ne comprenait pas cette attitude et commençait àavoir peur. Pourquoi la duchesse s’intéressait-elle à cette Cassandre qu’elle ne connaissait pas?
Cabasset, qui l’observait, comprit qu’elle se posait trop de questions.
— Savez-vous autre chose sur le retour de M. Hauteville, mademoiselle? interrogea-t-il.
— Non, monsieur, je vous ai tout dit, déglutit-elle.
— Il faut que vous compreniez, mademoiselle, poursuivit-il d’un ton qu’il tenta de rendre rassurant, que M. Hauteville s’étant mis au service de Mgr de Navarre, et ayant épousé une fille de Condé, il s’est placé dans la situation d’être d’un ennemi de la sainte Ligue. Vous êtes bonne catholique?
— Oui, monsieur, s’effraya Perrine, je vais à confesse et à la messe.
— Madame la duchesse va vous remettre quelques écus. Sitôt que vous reverrez votre maître,
Weitere Kostenlose Bücher