La ville qui n'aimait pas son roi
lui répondit Olivier.
Le silence s’installa. Le roi avait parfaitement compris l’allusion. Y avait-il quelque accointance entre Soissons, qui avait abandonné la cour pour rejoindre Navarre, et la Ligue?
— De quoi avez-vous besoin, Fleur-de-Lis? demanda finalement Henri III.
— Je ne saurais vous le dire pour l’instant, sire. Avec mon épouse et M. Caudebec, nous venons d’arriver et nous n’avons pas encore commencé notre enquête.
— O me transmettra vos requêtes, conclut le roi. Marquis, êtes-vous toujours fâché contre ma cousine, Mme de Saint-Pol?
Ces mots arrachèrent un sourire sans joie au marquis qui déclara avec un soupçon de mépris :
— Non, sire, madame est dans un parti avec qui vous êtes bien contraint de traiter.
— Pas contraint, O, dit gravement le roi en désignant le marquis. J’aime mon cousin Navarre, ne l’oublie jamais, et si un jour, par malheur, je devais disparaître, je t’ordonne de le servir aussi bien que tu le fais pour moi. Je te l’ordonne! Tu entends?
O resta silencieux et soutint le regard du roi un instant. Puis, il baissa les yeux et, le visage sombre, il murmura :
— Je le ferai, sire… s’il se convertit.
Prévenu dans la journée, Nicolas Poulain se rendit le vendredi soir chez Jean Le Clerc pour y retrouver les membres du conseil
des Seize. Mayneville était absent, ou n’avait pas été invité. La Chapelle leur annonça ce qu’ils attendaient tous : Le duc
de Guise arriverait pour la Quasimodo 1 ou le lendemain, c’est-à-dire dans dix jours. D’ici là, il allait y avoir bien de la besogne! Déjà plusieurs capitaines lorrains étaient en ville. Dans les jours à venir, cinq cents chevaux et cavaliers, conduits par le duc d’Aumale, seraient àAubervilliers. Tout commencerait dans la nuit du dimanche de Quasimodo. Le plan était d’une simplicité biblique : Le Clerc
avait les clefs de la porte Saint-Denis (malheureusement il n’avait pu avoir celles de la porte Saint-Martin que l’échevin
Le Comte avait refusé de lui donner). Aumale et ses gens entreraient et se déferaient du duc d’Épernon qui faisait des rondes
de dix heures du soir à quatre heures du matin.
À ceux qui objectèrent que Épernon était trop rusé pour se laisser surprendre, La Chapelle expliqua qu’ils avaient gagné deux
hommes de sa suite. Ces traîtres lui fracasseraient le crâne sitôt qu’ils entendraient les cavaliers d’Aumale. Ensuite, la
troupe irait droit au Louvre pour se saisir du palais par surprise pendant que les capitaines ligueurs rassembleraient les
trente mille combattants de la sainte union. Quand le duc arriverait, il trouverait une armée en ordre de marche. De son côté,
Le Clerc s’attaquerait aux maisons fortes de la ville avec trois mille ligueurs.
La Chapelle insista sur l’effet de surprise. Le roi ne devait pas s’attendre à une si formidable insurrection et surtout à
l’arrivée d’Henri de Guise.
Le capitaine général de la Ligue rappela alors à Nicolas Poulain qu’il comptait sur lui pour mener l’assaut sur l’Arsenal.
Poulain lui jura qu’il serait là et Le Clerc lui promit vingt mille écus en plus de sa part de pillage.
Les conjurés allaient rentrer chez eux quand Nicolas vit le commissaire Louchart conférer avec un ligueur artisan horloger
et lui remettre une grosse boîte ciselée.
Le lendemain samedi, François Caudebec s’ennuyait à mourir dans le bouge du prince des sots, une petite pièce avec seulement
une paillasse pouilleuse sur un lit de planches. Dès le lever du jour, il s’était installé devant la fenêtre ouverte.
Malgré l’heure matinale, la rue Mauconseil était pleine de monde. Charrettes à bras, lourds chariots tirés par desbœufs, colporteurs avec leur hotte sur le dos ou sur une tablette au cou, ânes porteurs de bâts, toute cette cohue se bousculait
au milieu des troupeaux d’animaux, des passants, des mendiants, des larrons et des filles de joie en robe rouge.
Dans cet incroyable désordre, le vacarme ne cessait jamais : les braiments stridents des ânes et des mules, les jappements
des chiens, les couinements des cochons ou les bêlements des moutons se mélangeaient avec les cris assourdissants des marchands.
Ce tumulte était ponctué par les cloches des églises et des couvents qui carillonnaient à tout moment ou par les chants lugubres
des flagellants qui traversaient la foule en procession.
Homme
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