La ville qui n'aimait pas son roi
Saint-Denis. Pourtant ma mère et M. de Villequier m’assurent que le duc veut redevenir mon fidèle sujet. Que savez-vous de vos amis de la Ligue?
— Je confirme, sire, l’ayant appris de M. de La Chapelle, que le duc d’Aumale est à Saint-Denis avec cinq cents cavaliers, comme je vous l’avais dit, mais j’ignore s’il s’agit d’Albanais. Pour ce qui est des gentilshommes deM. de Guise, il est certain qu’il y en a beaucoup dans Paris, bien que je ne croie pas qu’ils soient des centaines. J’en ai
vu une trentaine hier dans une auberge, près de l’abbaye Saint-Germain. M. de La Chapelle doit leur confier le commandement
des compagnies de la sainte union.
Henri eut une expression de dégoût, mêlée d’angoisse et de détresse. Il cacha son visage dans ses mains et Poulain fut frappé
par ses tremblements convulsifs.
— J’ai donné des gages à mon cousin Guise, pourquoi dresse-t-il mes sujets contre moi? Que cherche-t-il? Je suis son roi! Ma mère m’a assuré qu’il restera loin de Paris… Qu’il me laisse au moins être le maître chez moi!
Poulain vit O et Épernon grimacer devant ce misérable désespoir.
Quand le roi releva la tête, son regard avait changé. Il paraissait plus sombre, plus méfiant. Les paupières mi-closes, il
demanda, vaguement menaçant :
— Tout cela est bel et bon, mais ne chercheriez-vous pas à m’entraîner où je ne veux pas aller, monsieur Poulain? M. de Villequier m’a prévenu que des huguenots cherchent à m’abuser. Ne seriez-vous pas de la religion réformée? Ce serait avantageux pour mon cousin Navarre que je me querelle inutilement avec M. de Guise…
— Sire, dit Poulain en se jetant à genoux. Si vous pensez cela, mettez-moi en prison et faites chercher quatre des principaux de la Ligue que je vous nommerai. Vous les questionnerez et vous saurez la vérité. Seul le zèle envers vous m’anime. Je vous ai toujours dit la pure vérité, il y a quelques jours comme maintenant. Le mémoire que je vous ai remis a été écrit sans fard ni dissimulation. Je suis un mauvais courtisan et ne me mêle pas des intriques de la cour. Quant à la religion reformée, je n’en suis pas, étant catholique craignant Dieu comme peuvent en témoigner tous ceux qui me connaissent.
Le regard du roi s’adoucit et il exhala un soupir.
— Je ne suis pas en doute envers vous, monsieur Poulain, rassurez-vous. Continuez à travailler pour moi. Jepars pour Saint-Germain avec M. d’Épernon qui se rendra ensuite en Normandie, après quoi j’irai faire retraite chez mes bons
hiéronymites de Vincennes. En mon absence, prévenez monsieur d’O si vous apprenez quoi que ce soit d’inquiétant pour le trône.
— Et si le duc de Guise vient à Paris pendant que vous n’êtes pas là, sire? s’inquiéta Poulain qui comprenait que même au pied du mur, le roi préférait encore nier la réalité comme il l’avait fait lors des précédentes tentatives de la sainte union; comportement qui l’avait malheureusement conduit à perdre tant de villes et à accepter l’infâme traité de Nemours.
Dédaigneux, Henri III leva la main, lui faisant comprendre que cela ne le regardait pas.
— Vous le savez, j’ai envoyé Bellièvre ordonner à mon cousin que je ne le voulais pas à Paris, se contenta-t-il de dire.
Ce qu’il ne précisa pas, c’est que la lettre qu’il avait finalement dictée à Pomponne de Bellièvre n’était pas comminatoire.
Il y disait au duc lorrain qu’il n’ajoutait foi à aucun des rapports faits contre lui, qu’il croyait à son attachement, et
qu’il le priait seulement de s’abstenir de venir à Paris, afin de ne pas augmenter la fermentation du peuple .
Le mercredi, Nicolas Poulain fut appelé chez Le Clerc pour une réunion du conseil des Seize où devaient être présents plusieurs
membres éminents de la sainte union.
Les mines étaient graves quand il arriva.
— Une fois de plus, nous avons été trahis, annonça La Chapelle, du ton de celui qui a perdu courage. J’ai eu confirmation que le roi a été prévenu de notre entreprise dès vendredi. Nous avons beau nous préparer soigneusement, un invisible ennemi dénonce tous nos projets. Si nous ne trouvons pas ce traître, nous finirons la hart au cou.
Poulain s’efforça de rester impassible. S’il avait su ce qui s’était dit lors de la précédente réunion du conseil, il aurait
été encore plus terrorisé, car c’était vers
Weitere Kostenlose Bücher