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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Mais n’êtes-vous pas fol de reparaître en ce Paris où tout ce
que la Ligue compte de furieux vous tient en grande détestation pour avoir
servi si bien le défunt roi, et mieux encore, celui qu’elle ne veut
reconnaître ?
    — Ha bah,
dis-je, notre vie n’aurait plus de saveur, si nous ne la hasardions point pour
une bonne cause.
    — Et
bonne elle l’est ! dit Pierre de L’Étoile, lequel était un de ces politiques que les ligueux haïssaient fort pour être partisans secrets du
roi et d’une loyale entente entre les huguenots et les papistes. Les choses,
poursuivit Pierre de L’Étoile, vont céans un train qui ne me plaît guère. Ces
crottés pédants de Sorbonne, qui croassent comme corbeaux sur clocher, ont
décidé, par un solennel arrêt, qu’il ne fallait pas faire la paix avec Navarre,
même s’il se convertit, pour ce qu’il y aurait, disent-ils, danger de
feintise et perfidie. Vous avez ouï, Baron ! Ces zélés sont plus
papistes que le pape ! Pour moi, je tiens que n’est pas hérétique celui
qui demande à entrer dans la religion catholique, mais bien plutôt ceux-là qui
lui refuseraient l’instruction sous le prétexte de feintise et perfidie, alors même que les actes dudit ne laissent en rien préjuger ces méchants
sentiments. Car, partout où il a conquis, Navarre a respecté les églises et les
prêtres.
    — Mon
ami, dis-je, cela est vrai, mais que ne l’appelez-vous le roi, et non
Navarre ? Ce langage me fâche.
    — Il
faudra bien pourtant qu’il devienne le vôtre, dit L’Étoile aigrement, si vous
ne voulez pas tout soudain finir vos jours dans un sac ballotté dans le courant
de Seine. Car telles de présent sont en Paris nos belles Évangiles. Quiconque
prononce le mot « roi », ou le mot « paix » est dagué, ou
jeté en rivière, sa femme et ses filles forcées au nom de Dieu, et sa maison
pillée.
    — Sanguienne !
dis-je, les douces mœurs ! Nemours ne peut-il les modérer ?
    — Mais
Nemours n’est pas roi, encore qu’il le voudrait bien devenir, tout béjaune
qu’il soit.
    — S’il
n’est pas roi, qui commande céans ?
    — Ha !
dit L’Étoile, c’est là le point, mon ami ! Le pouvoir est en Paris
quadripartite, comme eût dit le pauvre Ramus (lequel grand mathématicien, comme
peut-être le lecteur s’en ramentoit, fut comme huguenot tué, mutilé et dépecé
lors de la Saint-Barthélemy).
    « Primo, poursuivit L’Étoile, les Lorrains, à savoir d’Aumale, Nemours, la mère dudit,
la duchesse de Nemours, la duchesse de Guise, veuve de l’occis de Blois ;
et enfin, je la cite en dernier, bien qu’elle ne soit pas la moindre, la
duchesse de Montpensier, qui est aux deux autres princesses ce qu’est la
tigresse à l’agnelle. Mais vous connaissez, Siorac, notre sublime Boiteuse.
Vous la connaissez même à fond, ajouta-t-il avec un petit brillement gaussant
et gaillard de son œil vif.
    — Ha !
dis-je d’un ton plus raisin que figue, cette remembrance ne m’est pas si douce,
la Boiteuse Cypris m’a voulu assassiner deux fois. Mais poursuivez, de grâce,
mon cher L’Étoile, qui est la deuxième tête de cette quadricéphale
royauté ?
    — Le
cardinal Cajetan, légat du pape. Celui-là est un très grand seigneur, fils d’un
puissant duc, fort raffiné, fort italien, et bien marri d’être en cette
nordique, turbulente et bientôt affamée Paris, alors qu’il serait si bien à
Rome en son palais. De reste, à venir céans, il a subi mille traverses. Sur le chemin,
son bagage se perd, sans être perdu pour tout le monde. On le loge à Sens, à
l’évêché : le plancher s’écroule. Le duc de Lorraine lui donne des
lansquenets pour escorte : ces barbares commettent mille excès, souillant
les églises et mangeant chair en plein carême !
    — Cajetan
est-il ligueux ?
    — Comme
bourdon en bocal ! Plus que le pape, lequel ne l’est qu’à demi, mais moins
que l’ambassadeur Mendoza, la troisième tête de notre présente monarchie en
Paris.
    — Ha !
dis-je en levant les deux mains en l’air, Mendoza ! L’archi-ennemi de la
reine Elizabeth et de mon pauvre bien-aimé maître ! Mendoza, si castillan
et si arrogant ! Dès qu’il ouvrait le bec devant mon roi, il avait l’air
de le commander.
    — Baron,
dit L’Étoile en faisant sa lippe, va pour la piaffe castillane ! Mais
feriez-vous l’humble et le modeste, si vous aviez derrière vous
Philippe II d’Espagne le roi le plus puissant

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