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La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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pas
voulu ce jour à un écu, tu la paieras dans un mois six écus. Et dans un mois,
au double de ce prix, tu ne trouveras pas crête de coq ! Achète !
Achète, Poussevent ! Achète tant qu’il y a à acheter, et au prix requis,
sans ménager du tout mes clicailles ! Il y va de notre vie !
    Quant à mon
Miroul, il ne retourna qu’à la nuit de ses pérégrinations, las et recru, pour
ce que, dit-il, il avait usé ses semelles jusqu’à l’empeigne, et ses gambes
jusqu’aux genoux à mon service. Ayant ainsi, par mille plaintes, mêlées à mille
éloges de sa propre vertu, tâché de dissimuler l’immense soulas qu’il avait
pris à son trantolement dans les rues de la capitale, il m’en fit un récit
épique.
    — Ha !
Moussu ! Plus crédule, badaud, nigaud, et gobe-mouches que ce peuple
parisien oncques ne vis. Tout ce que disent les prêchaillons contre le roi, les
Parisiens le croient de cœur et le confessent de bouche, et pour cette foi-là,
plus temporelle, certes, que spirituelle, ils se feraient hacher menu.
    — Miroul,
dis-je, pour tes sûretés, dis Navarre et non pas « le roi » :
cela sent trop le politique. Et de même, dis « assurément » et
non pas « certes » : Ce « certes »-là trahit le
huguenot.
    — Je m’en
ramentevrai, Moussu.
    — Et ne
me rabâche point les prêches des prêtereaux ; qui en connaît un les
connaît tous : Et celui des Filles-Dieu me suffit. Cornedebœuf, j’en
aurais raqué mes tripes !
    — Mêmement !
dit Pissebœuf.
    — Mais
savez-vous, Moussu, reprit Miroul, que les Parisiens se paonnent, outre les
lansquenets, qui se montent à six mille hommes, d’avoir en armes trente-cinq
mille des leurs ?
    — Chiffres,
dis-je, qu’il faudra tâcher d’acertainer.
    — Adonc,
poursuivit Miroul, ils ne craignent nullement Navarre qui, disent-ils, n’a pas
la moitié de ce nombre.
    — Ce qui
est vrai.
    — Et
d’autant que tout un chacun fait état des lettres de Mayenne à Nemours,
annonçant son imminente advenue céans avec les Espagnols du duc de Parme.
    — Je
connais la chanson.
    — Moussu,
dit Miroul quelque peu piqué, y a-t-il quelque chose céans que vous n’avez su
avant moi ? Savez-vous, par exemple, que les Parisiens, qui de nature sont
excessivement rebelles et maillotiniers, n’ouvrent jamais le bec sans vomir des
milliasses d’injures sur le défunt roi, qu’ils appellent tyran, hérétique,
suppôt d’enfer, athéiste, bougre et sodomite, le haïssant, mort, autant qu’ils
le firent, vif ? Que le Béarnais, de reste, n’est pas mieux traité d’eux,
sauf qu’au lieu de le nommer bougre, ils l’appellent putassier et forceur de
nonnes.
    — Je n’ai
jamais forcé nonne, dit Poussevent avec un soupir. Se peut que ce soit
plaisant.
    — Fi donc
du vilain paillard ! dit Pissebœuf qui, à mes yeux du moins, se voulait
parer de quelque vergogne – laquelle je décroyais, nourrissant le soupçon
qu’il avait fait pis que mal dans le sac des villes.
    — Silence
là ! dit Miroul, qui n’oubliait jamais qu’il gouvernait en mon nom les
deux arquebusiers. Et auriez-vous pensé, Moussu, que Jacques Clément est
célébré partout comme martyr et vénéré quasiment comme un saint, qu’on a fait
des messes à Notre-Dame en sa mémoire où la Montpensier a mené sa mère par la
main, à laquelle la duchesse a dit devant l’hôtel tout haut : « Béni
soit le ventre qui a porté Jacques Clément et les mamelles qui l’ont
nourri ! » Après quoi, la bonne femme a été acclamée, et depuis,
honorée quasiment par le peuple comme la mère de Jésus. Qui eût pensé, Moussu,
qu’un petit jacobin de merde gagnerait telle resplendissante gloire non point
par la prière, mais par le cotel ?
    — Cela,
du moins, je l’ignorais. Mais parle, Miroul, parle ! Je vois tes joues
toutes gonflées du savoir appris dans lès rues.
    — En
voici le meilleur, dit Miroul. Ou plutôt le pis, que j’ai gardé pour la fin. In cauda venenum [19] , comme on raconte que disait le scorpion en recourbant la queue. Et ce qui
suit, Moussu, je ne l’ai pas ouï en dardant l’ouïe aux jaseries du populaire
(et Dieu sait pourtant si ce peuple que voilà clabaude) mais vu de mes propres
yeux.
    — Et
qu’était-ce donc, Miroul, que tu as vu et qui rugit si fort en cette
préface ?
    — Une
procession.
    — J’en ai
vu cent !
    — Mais
celle-ci, Moussu, passe toutes les autres. Oyez plutôt ! Ayant appris

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