Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Violente Amour

La Violente Amour

Titel: La Violente Amour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
salon, non en son petit cabinet, et elle
était vêtue de cap à pié, et non point en ses flottantes robes de nuit en
lesquelles à cette heure matinale, je l’avais vue plus d’une fois.
    — Marquis,
me dit-elle, après que je lui eus baisé la main, mais sans oser me mettre à son
genou comme à mon accoutumée, je vous dois quelques excusations de vous avoir
fait languir si longtemps, mais je ne pouvais vous admettre à ma toilette, ni
descendre avec le marquis de Siorac aux mêmes libertés que j’accordais au
maître drapier Coulondre, celles-ci ne tirant pas à conséquence, vu l’humilité
de son état.
    — Alors,
Madame, dis-je, je me dois plaindre d’être marquis, puisque mon rang me prive
des familiarités et des bontés que votre Grâce avait pour le maître drapier.
    Elle sourit
alors, puis avec une gravité à laquelle elle mêla une bonne grâce des plus
charmantes, elle reprit :
    — Monsieur,
mes bontés vous demeurent acquises, même si je dois mettre d’ores en avant
quelque distance entre vous et moi, votre rang me contraignant, par la male
heure, à me ramentevoir le mien.
    Ayant dit,
elle me questionna sur ma famille et, férue qu’elle était de noblesse, parut
contente d’apprendre, et que mon père avait été fait baron par Henri II,
pour avoir fort vaillamment servi à Calais sous son premier mari [55] , et que ma mère
était née Caumont, grande famille périgordine dont l’ancienneté parut, à ses
yeux, compenser le démérite d’avoir adhéré à la Réforme. Il est vrai que la
duchesse nourrissait des sentiments très tièdes, et pour l’Église, et pour la
Papauté, et pour la Ligue.
    De ma famille,
M me de Nemours passa tout naturellement à la sienne, et se lamenta
une fois encore sur les folies de ses fils, ni Mayenne ni Nemours ne voulant
ouïr ses conseils, ni faire leur paix avec le roi, pendant qu’il était temps
encore.
    — Brissac,
dit-elle, tout grand coquin qu’il est, a eu raison. Le roi s’étant converti et
le peuple ne voulant plus que lui, il n’y avait plus qu’à tirer l’échelle. Ma
fille Montpensier est folle à prendre de l’ellébore. Elle a de prime crié qu’elle
se voulait daguer, puis qu’elle voulait daguer Brissac. Et m’est avis qu’elle
va brouillonner sous ce règne, comme elle fit sous le règne précédent.
    — Vous n’êtes
donc pas apensée, Madame, que Madame votre fille est sincère, quand elle dit se
rendre au roi et le vouloir aimer ?
    — Marquis,
dit M me de Nemours avec quelque hauteur, êtes-vous céans mon
serviteur ou celui du roi ? Et me sondez-vous pour lui ?
    — Ha !
Madame ! m’écriai-je, me jetant à ses genoux avec un élan que je ne pus
cette fois, réprimer, me soupçonnez-vous de vous espionner ? Me tenez-vous
pour si peu dévoué à votre personne ? Et croyez-vous que je pourrais
découvrir à Sa Majesté une seule parole de vous, dès lors que vous m’auriez
défendu de la lui répéter ?
    — Nenni,
Monsieur, dit-elle, s’apazimant tout soudain et posant une main sur mes
cheveux, laquelle toutefois retirant aussitôt, et me priant de me relever, elle
reprit :
    — J’ai
parlé trop vite. Dans la réalité des choses, je n’ai pas conçu de vous ce
soupçon. Je ne vois nulle contradiction entre votre loyauté au roi et votre
fidélité à moi, pour ce qu’il est de ma plus ferme intention d’être désormais
la plus dévouée et affectionnée sujette de Sa Majesté. Mais pour ma folle de
fille, je dis non, mille fois non ! Elle est ligueuse comme on respire.
Son cœur dément son bec : elle ne se rend point au roi et la Ligue pas
davantage.
    — Mais
Madame, la Ligue est vaincue…
    — Ha !
Marquis ! Ne vous flattez pas de cet espoir ! La Ligue n’est point
vaincue. La Ligue est faite de cette sorte de gens implacables et zélés qui ne
désarment mie. Soyez-en bien assuré : vous orrez encore parler d’elle,
pour la raison qu’elle est tout juste comme la fameuse hydre de Lerne :
coupez-lui une tête, il lui en surgit une.
    — Deux,
Madame.
    — Comment
cela ? Deux ?
    — Coupez-lui
une tête, il lui en revient deux. C’est la légende véritable.
    — Marquis,
dit M me de Nemours en riant comme nonnette, osez-vous bien me
contredire ?
    — Madame,
dis-je en riant à mon tour, j’en suis au désespoir ! Mais il le faut !
À en juger par tout le feu que l’hydre a craché sur le royaume avec une seule
de ses gueules depuis cinquante ans, que

Weitere Kostenlose Bücher