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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Bassompierre en se
retournant, ce n’est pas l’attente qu’ils applaudissent : c’est la beauté.
     
    *
    * *
     
    Les fêtes comptèrent parmi les plus magnifiques du règne et
durèrent trois jours : on mangea, on but sans retenue, on dansa, on jasa
et quant à la bague qu’une fois de plus on courut, l’opinion de Monsieur le
Grand [56] fut qu’il n’y avait que le Roi et
Condé qui « donnassent bien dedans » – expression qui, appliquée
au Prince, fit sourire par sa naïveté.
    Bien qu’elles ne sortissent pas de son escarcelle, mon père
plaignait fort les dépenses de ces festivités et, plus encore, s’irritait de la
perte de temps qu’elles entraînaient, alors que la guerre frappait à nos
portes. Opinion qui eût senti fort la caque, s’il l’avait exprimée en public.
N’y tenant plus, il demanda le deuxième jour son congé au Roi sous prétexte que
les moissons de sa Seigneurie du Chêne Rogneux réclamaient sa présence. Nulle
raison n’aurait pu toucher Henri davantage, car il répétait souvent que la
place d’un gentilhomme était dans ses terres et qu’il ne devait venir à Paris
que pour quelque procès ou pour faire service au Roi : précepte qui, s’il
avait été respecté, aurait vidé le Louvre.
    — Va, Barbu ! dit le Roi, j’aimerais être aux
champs avec toi à manier la faucille et la fourche plutôt qu’à faire le galant
avec les dames !
    Pour une fois, son rêve campagnard n’était point trop
sincère. Il considérait la Princesse, disait La Surie, avec l’avidité d’un
miséreux qui regarde un beau pain doré à la fenêtre d’un boulanger. Et quant à
elle, elle rayonnait de tous les feux dont il brûlait pour ses charmes, mais
sans pour autant oublier ses petites stratégies : elle s’offrait au nom de
l’amour et se dérobait au nom de la vertu. C’est tout juste si elle ne morguait
pas la Reine et l’on eût dit qu’elle avait déjà posé son pied mignon sur la
première marche du trône.
    Ma bonne marraine prit fort mal que mon père quittât
Fontainebleau alors qu’elle s’y trouvait, mais avec sa coutumière adresse mon
père lui représenta qu’il n’aurait jamais songé à partir, si elle avait pu
partager avec lui le matelas de crin de sa chambre. Pour moi, si je ne fus
guère marri de laisser là Samois et son auberge d’enfer, je tombai dans les
mésaises et les mélancolies quand je vis mon père et le Chevalier partir et me
laisser seul à Paris. On se ressouvient sans doute qu’Angelina de Montcalm
n’accepta de devenir « ma mère » qu’à condition de ne me voir jamais.
    Je repris mes études à la fureur et aussi non sans
découragement mes amours de papier, écrivant sagement à ma Gräfin de
longues lettres auxquelles elle répondait toujours, mais sans me cacher que la
succession de son père la devrait retenir encore longtemps à Heidelberg.
J’étais dans la désolation. N’ayant d’elle aucune remembrance proprement
amoureuse pour nourrir mes rêves, et ma solitude commençant à peser prou à mon
malheureux corps, j’éprouvais le sentiment déconfortant que mon inclination
pour Ulrike perdait peu à peu force et substance.
    Pendant l’absence de mon père qui dura quinze jours,
Bassompierre avec la dernière gentillesse me vint visiter. Il donnait toujours
l’impression de courir de femme à femme et de partie de cartes à jeu de dés.
Toutefois, il était toujours très informé de tout et accompagnait les
informations qu’il m’apportait de commentaires qui, bien qu’ils fussent
prononcés gaiement et comme à la légère, ne laissaient pas d’être fort
pertinents. Bien je me ressouviens qu’il m’apprit une nouvelle de grande
conséquence pour le royaume : sur l’ordre de l’Empereur d’Autriche,
l’Archiduc Léopold avait saisi par surprise le duché de Clèves et l’avait placé
sous séquestre. Ma belle lectrice se ressouvient sans doute…
    — Ah ! Monsieur ! Cessez, je vous prie, de
répéter cette formule odieuse : « Ma belle lectrice se ressouvient
sans doute… », elle me donne furieusement sur les nerfs…
    — Mais, belle lectrice, quelle est l’offense ?
    — Évidente. La pouvez-vous nier ? Quand vous
employez cette damnable formule, c’est bien que vous doutez, en fait, que je me
ressouvienne… Suis-je sotte, Monsieur ? Ma tête est-elle vide, parce
qu’elle est jolie ? Dois-je ouïr deux fois vos explications ? Mon
crâne est-il à ce point percé

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