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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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de trous que les faits qui y pénètrent ne peuvent
qu’ils n’en ressortent dans la minute ? Suis-je si frivole que je ne
puisse m’intéresser au sort de mon pays ? Combien de fois pensez-vous que
vous me devrez rabâcher qu’à la mort du Duc de Clèves, mort sans enfant,
Henri IV appuyait deux candidats à sa succession : les Électeurs de
Neubourg et de Brandebourg qui étaient protestants, tandis que l’Empereur
poussait en avant l’Électeur de Saxe, lequel était catholique.
    — Madame, je vous demande mille fois pardon. Votre
mémoire est excellente, sauf…
    — Sauf ?
    — Sauf que vous venez de dire, je crois, que l’Électeur
de Saxe était catholique ?
    — En effet, je l’ai dit.
    — Et c’est ce que dirent aussi les ligueux, les
ultramontains et tous les prêchaillons qui, du haut des chaires sacrées, s’en
prirent violemment, quoiqu’à mots couverts, au Roi, parce qu’il allait s’allier
aux princes protestants contre les princes catholiques.
    — Et c’était faux ?
    — Oui, Madame, c’était faux. L’Électeur de Saxe était,
lui aussi, protestant.
    — Et malgré cela l’Empereur l’appuyait ?
    — Parce qu’il était son allié, son ami et sa créature.
À la tête du duché de Clèves, Saxe ne valait pas mieux que l’Archiduc Léopold
qui, ayant saisi le duché, le réchauffait pour Saxe sous ses ailes. Le prétendu
séquestre n’avait pas d’autre sens.
    — On courait donc à la guerre ?
    — Non, Madame, on cheminait vers elle sans se hâter.
Henri ramena sur la frontière les troupes qu’il avait envoyées au secours des
Hollandais en lutte contre les Espagnols, et ne fit rien pour ressaisir
aussitôt le duché.
    — Et pourquoi donc ?
    — Il cherchait des alliés.
    — Lesquels ?
    — La Hollande, l’Angleterre et les princes luthériens
d’Allemagne…
    — Tous protestants !
    — Ha ! Madame ! Que fine et futée vous
êtes ! En effet, qui pouvait s’allier avec notre Henri sinon les États qui
avaient de bonnes raisons de craindre la tyrannie de l’Empire, de l’Espagne et
du Pape ?
    — Et ils volèrent dans ses bras ?
    — Tout le rebours. Ils étaient fort réticents,
craignant qu’à ladite tyrannie, Henri substituât la sienne. Le seul allié
d’Henri qui brûlait d’en découdre était le Duc de Savoie et il était
catholique.
    — Et qu’allait-il faire en cette aventure ?
    — Il convoitait Milan, alors aux mains des Espagnols.
    — Il n’empêche, Monsieur, que si Henri avait gagné
cette guerre, les États catholiques en seraient sortis affaiblis, et les États
protestants, renforcés.
    — Dire cela, Madame, c’est oublier que la France était
un pays profondément catholique, que le Roi s’était converti, qu’il avait
rappelé les jésuites et leur avait confié la jeunesse, et qu’il faisait élever
ses fils et ses filles dans la plus pure orthodoxie romaine.
    — J’ai ouï dire, pourtant, que le Pape ne cachait pas
son hostilité à cette guerre.
    — Madame, le souhait le plus ardent du Pape était
l’éradication totale du protestantisme en Europe, au besoin par le fer et le
feu, et d’évidence, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’une victoire
d’Henri IV n’eût pas servi cette fin.
     
    *
    * *
     
    À vrai dire, je trouvais, moi aussi, du haut de ma jeune
jugeote que le Roi n’était guère prompt à venger l’écorne que l’Empereur lui
avait faite en se saisissant de Clèves. Je le dis à Bassompierre.
    — C’est qu’en effet, dit-il, le Roi n’y va que d’une
fesse, ou semble n’y aller que d’une fesse. Ce sera, dit-il, avec le roi
d’Espagne, une guerre longue, sanglante et douteuse. Et après avoir beaucoup
consumé de temps, d’argent et d’hommes et ravagé nos frontières réciproques,
qu’espérer sinon une paix boiteuse et une restitution de ce que chacun aura
pris à l’autre ? Mais il se peut aussi, mon beau neveu, que ce ne soit là
que le doute d’un moment, ou qu’Henri ne tienne ce discours que pour qu’il soit
répété et endorme l’adversaire.
    Ayant dit, Bassompierre se tut, me considéra en silence et
reprit :
    — Eh bien qu’est-ce ? Comment vous en va, mon beau
neveu ? Où est votre gaîté en allée ? Qu’est devenue votre pétillante
humeur ? Vous que je voyais parcourir sur la pointe des pieds les sommets
de la terre ?
    — Monsieur, dis-je, je n’aime pas le train du monde
comme il va. Ce ne sont que tromperies

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