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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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et méchantises.
    — Diantre ! Misanthrope déjà ! En votre
fraîche fleur ! Sachez, mon beau neveu, qu’il n’est tristesse qui ne se
puisse guérir dans le sein d’une femme.
    — C’est un sein trompeur !
    — Mon neveu ! Mon neveu ! Je vous prie !
Laissez ce langage-là à L’Astrée ! Donnez-moi du pied, je vous
prie, dans cette pleurarde rhétorique ! Ne demandez à une femme que de
vous rendre ce que vous lui donnez et vous serez heureux. Pouviez-vous faire de
Mademoiselle de Saint-Hubert votre amante ? Vous établir boulanger avec
Toinon ? Marier Noémie de Sobole dont l’humeur est si griffue ? Ou
suivre votre maîtresse d’allemand à Heidelberg ? Et toutes, cependant, ne
vous voulaient que du bien…
    Je fus surpris qu’il en sût tant sur moi et surtout qu’il
eût nommé Ulrike. Toutefois, ne voulant pas répondre là-dessus, je secouai les
épaules et je dis :
    — Je ne sais quel est cet état où je suis. Je me trouve
plongé dans une mélancolie dont je ne veux ni ne peux sortir.
    — Mon neveu, vous appelez « mélancolie » un
état que je nomme « veuvage ». Et il serait grand temps de vous en
retirer, si vous ne voulez pas qu’il affecte votre santé après avoir affecté
votre humeur. Tenez, mon beau neveu, gageons !
    — Moi, gager ? dis-je avec horreur.
    — La caque ! dit-il en riant. La tenace
caque ! Et elle se transmet de père en fils ! Rassurez-vous, fils de
huguenot, nous ne gagerons pas de pécune ! Prenez cette bague et passez-la
à votre doigt ! Si dans deux jours vous n’avez pas trouvé soubrette qui
fasse et défasse votre lit, vous me la rendrez. Je parle de la bague. Et vous
me composerez un beau sonnet pour une dame de mes amies.
    — Mais c’est la bague de votre fée ! dis-je,
béant.
    — Aussi me la rendrez-vous, même si vous gagnez. Et
comme gage, je vous en baillerai une copie. Le contrat est-il clair ? Si
vous perdez, je gagne un sonnet de votre plume experte. Si je perds, vous
gagnez une copie de ma bague magique.
    — Que voilà une étrange gageure ! Et combien imprudente !
Êtes-vous sûr que mon sonnet vaudra votre bague ?
    — J’en prends le risque. Tope ?
    — Tope !
    Et après m’avoir donné une forte brassée et deux baisers sur
chaque joue, il s’en alla gaiement. Dès que je lui vis les talons, je regardai
non sans un sentiment d’émerveillement et d’effroi la bague de la fée, croyant
et décroyant tout ensemble que Bassompierre lui dut tant de succès auprès des
dames, lesquels se pouvaient plus naturellement expliquer par son apparence,
son esprit et la connaissance qu’il avait d’elles. Mais d’un autre côté, dès
l’instant où cette bague encercla l’annulaire de ma main gauche, je dois à la
vérité de dire que je me sentis, ou crus me sentir, autre, comme si une sève
nouvelle montait en moi.
    À mon ordinaire, je ne me sens pas fort content lorsque je
dîne seul, ayant l’impression que même mon assiette s’ennuie. Et bien le savait
Mariette qui avait repris le service de table, Caboche étant rebiscoulé de sa
maladie et retourné à ses fourneaux. Elle s’attardait devant moi entre chaque
plat et donnait libre carrière à sa langue parleresse.
    Petite, l’œil de jais, brune de poil et quasiment crépue,
précédée en tous lieux de ses formidables tétins, faisant dix pas où il en
aurait fallu deux, prononçant dix paroles quand une seule eût suffi, se
plaignant de maux imaginaires et la santé aussi solide que le basalte de sa
province d’Auvergne, bon bec avec tout le domestique, forte en gueule avec les
fruitières, herbières [57] et haranguières, portant le haut-de-chausses
avec son mari Caboche, traitant mon père avec à peine le respect qu’elle lui
devait, ayant des certitudes sur tout et y crochant comme dogue de ses
mâchoires carrées, telle était mon admirable Mariette. Et dès qu’elle se fut
campée devant ma table sur ses fortes et courtes jambes, elle commença à
déverser sur moi des montagnes de jaseries où il y avait de tout, même du vrai,
et que j’eusse, à la longue, trouvé insufférables, si je n’avais su que son
cœur était d’or et à moi si affectionné.
    Elle fut prompte à remarquer la bague qui brillait à mon
doigt, à laquelle je ne laissais pas, en tapinois, de jeter un œil de temps à
autre, tant je me posais de questions sur son pouvoir.
    — Mais ch’est la bague, cria Mariette, de Meuchieu le Comte ! (car

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