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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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serra. Il en fut ravi comme d’une grande marque
d’affection et se tournant vers son gouverneur, il lui dit :
    —  Mousseu de Souvré, voyez, elle me serre la
main !
    À ce moment, la Marquise de Guercheville entra dans le
cabinet, suivie de Mademoiselle de Fonlebon, laquelle, comme chaque fois que je
la voyais, me parut fort embellie. Louis échangea avec elle révérences et
saluts et dit en rosissant :
    — Mademoiselle de Fonlebon, vous plaît-il que je vous
baise ?
    — Volontiers, Monsieur, dit Mademoiselle de Fonlebon,
qui fléchit avec grâce pour se mettre à sa hauteur.
    Madame de Guercheville voulut bien se rappeler qui j’étais
et me tendit le bout de ses doigts. Quant à Mademoiselle de Fonlebon, elle
sourit, s’approcha, m’appela « son cousin » et me tendit sa joue.
    — Quoi, Siorac ! s’écria le Dauphin, comme piqué
de jalousie, vous baisez Mademoiselle de Fonlebon ? Vous ai-je prié de le
faire ?
    Cela fit sourire Monsieur de Souvré et le docteur Héroard
qui se ressouvenaient de mon adieu au chien.
    — Monsieur, dis-je, excusez-moi, mais elle est ma
cousine, étant née Caumont comme ma mère.
    — Ah ! Cela est différent ! dit le Dauphin.
    — Monsieur, lui dit la Marquise de Guercheville, la
Reine désire vous voir et je suis céans pour vous ramener chez elle.
    La contrariété la plus vive se peignit alors sur le visage
de Louis et il y eut chez tous ceux qui étaient là un moment de gêne. Nul
n’ignorait qu’il y avait fort peu d’amour entre la Reine et ce fils, par
ailleurs si aimant. Je ne sais où j’ai lu que le seul moment où il se sentit
proche d’elle fut le moment où elle le porta dans son sein. Tout est dans cette
phrase-là. Il n’y a rien à y ajouter.
    Le Dauphin parut si dépité qu’on put craindre une de ces
scènes où son opiniâtreté provoquait des pleurs, des cris et des grincements de
dents. Car une fois qu’il avait dit « non », il se nouait autour de
ce « non » et il devenait fort difficile de l’en déloger.
    Avec beaucoup d’à-propos, Mademoiselle de Fonlebon
s’approcha de lui, fléchit le genou et lui dit doucement :
    — Monsieur, vous plait-il de prendre ma main pour aller
chez la Reine ? Nous passerons par la galerie des Feuillants.
    Cette douceur fit fondre le Dauphin et il inclina la tête
sans dire un mot. Toutefois, avant de prendre la main de Mademoiselle de
Fonlebon, il voulut me dire adieu, sachant bien que je n’étais là qu’en
passant. Monsieur de Souvré suivit le Dauphin et la Marquise de Guercheville
qui, pour être une vertu renommée, n’en était pas moins coquette, lui demanda
son bras et, à ce que je vis, lui fit mille grâces, lesquelles parurent ébaudir
fort le petit La Barge qui fermait la marche et qui, se retournant, m’adressa
un sourire connivent. Quant au docteur Héroard, me prenant par le bras, il
m’emmena dans sa chambre.
    — Mon neveu, dit-il, si vous voulez attendre que
Bassompierre ait fini de jouer pour rentrer au logis, vous êtes au hasard
d’attendre longtemps et de mourir de faim. Je vais vous garnir d’un petit
en-cas pour que patiente votre gaster.
    Et il me bailla, sur sa réserve, pain, pâté et verre de vin.
Je lui dis mille mercis et fis honneur à sa collation.
    Le docteur Héroard me raconta comment, trois ou quatre jours
avant la naissance d’Henriette, Louis vit apporter un berceau dans le cabinet
qu’on destinait au nouveau-né. Aussitôt, il accommoda lui-même le berceau, mit
le matelas et fit le lit. Après quoi il se coucha dedans, son petit chien
Vaillant avec lui et commanda qu’on le berçât. Quand Héroard eut fini ce récit,
je lui demandai ce qu’il en opinait, trouvant que c’était là un jeu étonnant
pour un garçon qui avait passé huit ans. Mais Héroard me fit une réponse
évasive, ce qui faisait honneur à sa prudence, mais ne voulait absolument pas
dire qu’il n’en pensait rien. Pour moi, la chose me toucha fort, sans que je
pusse expliquer pourquoi.
    Le page à qui me confia Héroard, quand je pris congé de lui,
m’amena par le dédale que l’on sait au cabinet où le Roi était accoutumé à se
livrer à sa passion du jeu. C’était une pièce plus grande que son appellation
ne le laisserait supposer, éclairée le jour par deux grandes fenêtres devant
lesquelles on avait tiré des rideaux de velours cramoisi gansés d’or. Les
chandelles des lustres étaient allumées et aussi les bras de lumière

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