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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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soie dont la couleur bleu pâle avait été
choisie pour mettre en valeur ses abondants cheveux blonds, la seule chose qui
fût remarquable en elle, car au sentiment général, mais généralement fort peu
exprimé, sauf en privé, les irrégularités de son visage lui refusaient cette
beauté qu’à son avènement, les peintres et les poètes de cour avaient à l’envi
célébrée. L’expression habituelle de ses traits – rechignée, et pleine de
morgue – ne faisait rien pour corriger cette impression. Tout au plus
pouvait-on dire en sa faveur qu’elle était grande, saine, robuste, abondante en
appas, et à tout coup féconde – ces deux dernières qualités lui ayant valu
la considération du Roi, lequel toutefois avait la plus pauvre opinion de son
jugement.
    Mais il faut bien confesser qu’il ne fallait pas à la Reine
beaucoup d’esprit pour entendre ce qui se disait en sa présence entre le Roi et
le Chevalier du Gué, puis entre le Roi et Delbène : la poutane avait été enlevée aux petites heures de l’aube par son mari et en toute
probabilité, le couple était, à s’teure, proche de la frontière des Pays-Bas.
    Le Roi paraissait hors de ses sens. Mais pour Marie, pour
peu qu’on se mît à sa place, c’était là une nouvelle qui compensait à merveille
la déception d’avoir donné naissance à une fille. Si elle l’eût osé, et si
l’état de son ventre l’eût permis, elle eût ri aux éclats. Qu’était la poutane, sinon une misérable petite mijaurée qui par ses grimaces avait conquis
l’amour du Roi à seule fin de se faire épouser ? Et comme Sa Sainteté le
Pape, avec tous les enfants qu’elle-même avait donnés à son époux, ne
consentirait jamais à un divorce, Marie n’avait qu’à puiser dans l’histoire de
sa famille paternelle pour savoir ce qui, à la longue, serait advenu d’elle, si
Condé n’avait pas mis une frontière entre le Roi et la Princesse. C’était là un
miracle et elle s’en souviendrait dans ses prières.
    Pendant que le Roi, d’une voix blanche, interrogeait Delbène
et le Chevalier du Gué, j’avais profité du fait que la Reine ne faisait pas
plus de cas de moi que d’un meuble pour lui jeter quelques petits coups d’œil.
Elle ne pipait pas, elle écoutait sans qu’un muscle bougeât dans sa physionomie
renfrognée et hautaine. À un moment, je crus l’entendre murmurer entre ses
dents : «  Che sollievo ! [61]  »
et ce qui me donna à penser que je ne m’étais peut-être pas trompé, c’est qu’à
ce moment précis, Delbène, qui était Florentin, tourna les yeux vers elle et la
regarda. Ce ne fut qu’un éclair. Delbène détourna la tête. Il avait fort à
faire à répondre aux questions angoissées du Roi, lequel le contraignait à
ressasser sans cesse le peu d’informations qu’il possédait.
    Cette scène se passa dans la dernière confusion,
Bassompierre survenant et disant que la partie de cartes par la décision
unanime des joueurs avait été interrompue et qu’il rapportait son argent au
Roi. Celui-ci, sans lâcher mon épaule, se tournant vers Bassompierre, et le
regardant avec des yeux désespérés dit d’une voix sans timbre :
    — Bassompierre, mon ami, je suis perdu ! Cet homme
a conduit sa femme dans un bois ! Je ne sais si c’est pour la tuer ou pour
la conduire hors de France !
    — Ce n’est assurément pas pour la tuer, Sire, dit
Bassompierre, qui trouvait la supposition insensée et qui, de toute façon, ne
pouvait entendre qu’un homme pût faire assez de cas d’une femme pour perdre la
raison quand elle s’éloignait de lui.
    Et que le Roi l’eût quelque peu perdue, il en fut persuadé
quand il l’ouït convoquer son Conseil – à sept heures du
soir ! – pour discuter des mesures à prendre. Et ce qui était au
surplus fort inhabituel, il lui demanda d’être présent.
    Il ne me fit pas, à moi, la même demande, mais je demeurai
néanmoins, tant il paraissait tenir à ma présence, soit que ma jeunesse le
réconfortât, soit qu’il continuât à me considérer comme son porte-bonheur. Ce
qui se jouait là, pourtant, était une partie pour laquelle il n’était sûr ni de
ses cartes ni de la façon de les jouer.
    Renforcé par les princes, les ducs et pairs et quelques
conseillers d’État, le Conseil se réunit dans la salle qui lui était dévolue et
où pourtant, en été du moins, il délibérait si peu souvent, le Roi préférant
traiter les affaires en

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