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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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maintenant qu’il est sain et sauf dans son île, il ne
mouillera pas le petit doigt pour m’aider à défaire les Habsbourg. Tout le
contraire ! Il se voudrait ami avec eux, le fol ! Il verra
bien !
    — Toutefois, vous lui écrivez, Sire.
    — En termes amicaux pour lui réclamer soldats et
subsides.
    — Mais, Sire, il vous les refusera.
    — Assurément. Mais il sera trop vergogné d’avoir à me
les refuser pour oser me réclamer le million de livres que je lui dois.
    Je me pensai, à ouïr ces propos, que pour « l’antique
manie de ne penser qu’à soi » le royaume de France n’avait rien à envier
au royaume d’Angleterre. Réflexion qui donna à rire à mon père quand je la lui
confiai. « En ces affaires, dit-il, Jacques I er est loin
d’être fol : il est prudent. Et bien semblable en cela aux princes
allemands, les grands amas d’hommes, de canons et d’argent de notre roi lui
donnent furieusement à penser. À aider notre Henri, il craindrait qu’il ne
devienne trop fort et que l’appétit lui vienne en mangeant. »
    S’étant déchargé la rate dans les termes que je rapportai,
Henri me dicta sa lettre, laquelle était d’une courtoisie parfaite, puis
m’enfermant dans le cabinet le temps que je la pusse traduire, il me revint
délivrer au bout d’une heure et serrant dans son pourpoint les deux textes, le
français et l’anglais, il me dit que Bassompierre devait me ramener chez moi, mais
qu’il me faudrait patienter une grosse heure, car ils étaient quelques-uns à
l’attendre avec lui dans son cabinet pour jouer au reversis. Je lui demandai
alors la permission d’employer ce moment à aller visiter Monsieur le Dauphin
et, aussitôt acquiesçant, il me confia à un huissier pour me mener en les
appartements de son fils.
    Comme j’y entrais, je me heurtai presque au Dauphin qui
était sur le point d’en sortir. Dès qu’il m’eut reconnu, il rougit de plaisir,
me sauta au cou, me baisa sur les deux joues et, se retournant, dit à Monsieur
de Souvré :
    —  Mousseu de Souvré, vous plaît-il que Mousseu de Siorac vienne avec moi voir ma petite sœur ?
    J’observai que sa parole avait fait de grands progrès depuis
la dernière fois que je l’avais vu. Il prononçait maintenant tous les
« r ». Je calculai en mon for qu’il devait avoir huit ans et deux
mois et je fus content de ses progrès. Toutefois, il lui arrivait encore de
bégayer.
    — Bien volontiers, dit Monsieur de Souvré que je saluai
incontinent, ainsi que le docteur Héroard qui marchait derrière lui.
    J’aperçus aussi le petit La Barge sur ses talons et je ne
faillis pas à lui adresser un sourire.
    Toutefois, comme on allait se remettre en branle, Louis se
brida net et dit :
    — Avant d’aller, il faut que je dise adieu à mon chien.
    Il courut à lui, le baisa sur le museau et, se reculant, dit
gravement en lui faisant un grand salut de son chapeau empanaché :
    — Adieu, mon chien.
    Puis me jetant un œil, il dit :
    — Siorac, vous plaît-il de le baiser aussi ?
    Ce que je fis, mais non sans appréhension, car bien que ce
fût un petit chien, il ne m’avait jamais vu. Toutefois, à mon approche, il ne
broncha pas.
    — Vous voyez, Mousseu de Souvré, dit Louis, que
Vaillant ne grogne pas contre Mousseu de Siorac.
    Il dit cela en raillerie, comme si Vaillant n’avait pas été
aussi accueillant avec Monsieur de Souvré. J’eus le sentiment qu’il aimait bien
son gouverneur, mais qu’il aimait aussi le taquiner, se peut parce que le bon
gentilhomme avait sur lui « la puissance du fouet », dont pourtant il
usait peu, à la différence de Madame de Montglat. Le docteur Héroard me dit que
chaque fois qu’il était bouleversé, ou simplement troublé par un événement
familial, comme par exemple la naissance de sa petite sœur, il demandait à
dormir avec Monsieur de Souvré.
    Quand il pénétra dans le cabinet où Henriette-Marie
reposait, les trois dames qui entouraient le berceau lui firent une révérence
si profonde que leurs vertugadins s’arrondirent en corolles sur le parquet. Le
Dauphin leur ôta son chapeau et, le tenant au bout de son bras, s’approcha du
berceau, prit la main d’Henriette et, se penchant, dit d’une voix douce :
    — Riez, riez, petite sœur ! Riez, riez, petite
enfant !
    Henriette, qui avait encore les yeux clos, eût été bien
empêchée de rire, mais sa main rencontrant par hasard l’index droit de son
grand frère, elle le

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