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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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marchant dans son jardin, de son pas nerveux et
infatigable.
    Sa Majesté, qui avait retrouvé quelque peu son sang-froid, exposa
les faits avec sa brièveté coutumière et demanda à chacun d’opiner. Ce que
chacun fit, non point tant en donnant son avis propre, mais en tâchant de
deviner ce que le Roi désirait ouïr. Il me sembla toutefois qu’il y avait des
nuances dans ces propos et que Jeannin, conseiller d’État, était celui qui
l’emporta par sa netteté et sans doute aussi par sa sincérité, car on ne
pouvait soupçonner le président Jeannin de courtisanerie : il s’était
élevé, devant le Parlement, contre les édits ruineux et en particulier contre
l’édit des monnaies.
    Pour Jeannin, il fallait poursuivre le Prince, fût-ce
au-delà des frontières, et lui enjoindre de rentrer au royaume. S’il refusait,
il fallait inviter le gouvernement des Pays-Bas à ne pas donner asile aux
fugitifs.
     
    *
    * *
     
    — Belle lectrice, puis-je vous expliquer céans…
    — Monsieur, je vous ois comme à messe, mais une
fois ! De grâce, pas de répétition offensante !
    — C’est que, Madame, je vous nourris céans de tant de
faits…
    — Ne craignez rien, ils n’excèdent pas les capacités de
ma cervelle, pour peu que vous conserviez ce ton vif et méchant qui est le
vôtre.
    — Méchant, Madame ?
    — Vous ne faillez jamais à dauber sur la Reine.
    — Et vous, Madame, à la défendre, si peu défendable quelle
soit.
    — Ne nous gourmons pas, de grâce ! Poursuivez,
Monsieur ! Vous m’alliez parler du gouvernement des Pays-Bas.
    — On les appelait, en France, les Archiducs, et ce
pluriel était des plus plaisants…
    — Pour ce qu’il n’était qu’un ?
    — Parce que le second était une femme. Ce gouvernement
était, en Europe, le symbole le plus éclatant de la monarchie bicéphale des
Habsbourg : l’Archiduc Albert était Autrichien et son épouse, Isabelle,
une infante espagnole, fille de Philippe II. Tous deux Habsbourg, elle de
la branche aînée et lui, de la branche cadette.
    — Avait-elle son mot à dire dans la conduite des
affaires ?
    — Assurément, étant la demi-sœur de Philippe III
d’Espagne. Sans l’armée espagnole et le Marquis de Spinola, l’Archiduc Albert
n’aurait pu tenir tête aux Hollandais.
    — Et comment étaient de leur personne ces fameux
Archiducs ?
    — L’Archiduc Albert avait été cardinal-archevêque avant
de se défroquer, non par amour, mais par raison d’État, pour régner sur les
Pays-Bas. Et son épouse, la Sérénissime Infante Isabelle, avait été élevée à
l’Escurial dans l’ombre glaciale de Philippe II…
    — Si je vous entends bien…
    — Oui, Madame. Ils étaient vertueux, rigides, moroses
et furieusement ennuyeux.
    — Je gage que la petite Princesse de Condé va pleurer
amèrement la joyeuse cour de France. Monsieur, comment se fait-il qu’au Conseil
inopiné du Roi, Sully n’ait pas encore opiné ?
    — Parce qu’il n’est pas encore là, Madame. Il vient et
il vient lentement. Quoique la distance qui sépare le Louvre de l’Arsenal (où
il couve ses canons), ou de la Bastille (où il couve ses millions), ne soit pas
grande, surtout la nuit en ce Paris désert où, dès que la nuit tombe, les
Parisiens, par peur des brigands, se claquemurent. Mais vous connaissez
Sully : il est glorieux et paonnant à n’y pas croire et veut se faire
attendre de tous, du Roi compris, lequel, quand il arrive, l’accueille
froidement assez pour lui rabattre quelque peu sa damnable arrogance. Peine
perdue ! Sully savait tout ! Il avait tout prévu ! Et ne vous le
laissait jamais oublier ! « Je vous l’avais bien dit, Sire, que
Condé, travaillé par les émissaires espagnols, allait quitter le royaume, et
qu’il fallait l’embastiller ! Si nous l’avions fait, nous n’en serions pas
là ce jour d’hui ! – Ventre Saint-Gris, Rosny ! cria le Roi, tu
ne vas pas me corner aux oreilles tes “je vous l’avais bien dit” toute la
nuit ! Le vin est tiré. Il faut le boire. Dis-moi ce que, ce jour d’hui,
tu proposes. » Soit dit en passant. Madame, permettez-moi de vous faire
compliment de votre giòco La Surien sur Sully « opinant » en
ce conseil « inopiné »…
    — Je vous remercie, Monsieur. Je suis moi-même assez
satisfaite de ma petite gentillesse. Je l’ai trouvée sans y penser. Mais
poursuivez, de grâce.
    — Sully demanda au Roi un peu de temps pour y

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