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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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songer.
Le Roi acquiesçant, il se retira pour ce faire dans une embrasure de fenêtre,
tourna le dos à demi et plaça devant ses yeux sa large patte.
    — Que de façons ! Et on dit que les femmes sont
façonnières ! Mon Dieu ! Que d’airs il se donne !
    — Toutefois, Madame, quand Sully parla, ce fut pour
dire des choses sensées. Mais encore fallut-il les lui arracher du bec. Au bout
d’un moment le Roi s’impatientant l’interpella : « Eh bien, Rosny, y
avez-vous songé ? – Oui, Sire.
    — Et que faut-il faire ? – Rien, Sire. –
Comment, rien ! – Oui, Sire, rien. Si vous ne faites rien du tout et
montrez de ne vous en pas soucier, on méprisera Condé. Personne ne l’aidera.
Non pas même les amis et les serviteurs qu’il a de par-delà les frontières. Et
dans trois mois, pressé par la nécessité et du peu de compte qu’on aura fait de
lui, vous pourrez ravoir le Prince à la condition que vous voudrez – là
où, si vous montrez d’être en peine et d’avoir désir de le ravoir, on le
tiendra en considération. Il sera secouru d’argent par ceux d’au-delà et
plusieurs, croyant vous faire déplaisir, le conserveront, qui l’eussent laissé
là si vous ne vous en fussiez pas soucié. »
    « Eh bien ! Belle lectrice qu’en
pensez-vous ?
    — Avant que de vous répondre, Monsieur, je voudrais
question poser.
    — De grâce, faites.
    — Sully était-il marié ?
    — Oui, Madame.
    — Heureusement ?
    — Non, Madame. Tout aux canons de l’arsenal et au
trésor de la Bastille, il délaissait son épouse qui le trompait avec Monsieur
de Schomberg, lequel était un des galants de la cour et fort des amis de
Monsieur de Bassompierre.
    — Je ne puis dire que j’en suis chagrinée. Lui qui
avait la crête si haute, la voilà un peu rabattue.
    — Nous ne parlions pas de sa crête, mais de son plan,
Madame.
    — Les deux ne sont pas sans lien. Ledit plan, Monsieur,
présentait une faille énorme. Il était excellent contre le Prince, mais il
oubliait la Princesse. Et je serais étonnée que le Roi l’accepte.
    — Il ne l’accepta pas. Il se rallia au plan périlleux
du Président Jeannin, au risque de se casser le nez sur des refus et de se
donner des ridicules à la face de la chrétienté.
    — Des ridicules ? Mais comment cela ?
    — Madame, ne va-t-on pas dire maintenant que ce vieux
Ménélas est prêt, pour avoir sa belle Hélène, à déclarer la guerre de Troie…

 
CHAPITRE XII
    — Ménélas, dit mon père, quand je lui eus fait le conte
de ma soirée, pâtit devant l’Histoire du ridicule d’être cocu. Mais en
revanche, la belle Hélène étant sa légitime épouse, il avait le droit et les
Dieux pour lui. On n’en dira pas autant de notre Henri qui, comme l’a si bien
remarqué Jacques I er d’Angleterre, « tâchait de débaucher
la femme d’autrui ». En poussant Condé à se réfugier aux Pays-Bas sous la
garde des Archiducs, le roi d’Espagne a réussi un coup de maître, car le voilà
qui peut aujourd’hui se poser à la face de la chrétienté non seulement comme le
champion de l’Église catholique, mais comme le protecteur de l’opprimé et le
défenseur des bonnes mœurs. Et qu’a-t-il, maintenant, face à lui, sinon,
dira-t-il, un huguenot faussement converti, allié des hérétiques, cruel envers
sa vertueuse épouse, tyran à l’égard de son neveu et, au surplus, infâme
fornicateur et rendu fol par une passion sénile… C’est toujours fort mauvais,
Monsieur mon fils, quand on commence une guerre, de voir se dresser contre soi
dans l’autre camp, à la fois la morale et la religion.
    — Et maintenant, Monsieur, qu’augurez-vous qui se va
passer ?
    — D’interminables négociations entre le Roi d’une part
et d’autre part Pecquius, l’ambassadeur des Archiducs, Don Inigo de Cardenas,
l’ambassadeur d’Espagne et Ubaldini, le nonce du Pape. Interminables et
inutiles. Prières, pressions, adjurations, menaces et médiation papales, rien
n’y fera.
    L’Espagne ne lâchera pas ses otages et le Roi n’abandonnera
pas la Princesse.
    — C’est donc bien la guerre, cette fois ?
    — Elle eût eu lieu de toute façon, le Roi s’y préparant
depuis dix ans, mais cette fois-ci, elle va nous tomber sus plus vite.
    De ces deux prédictions de mon père, la première seule
s’accomplit car, avant que la guerre n’éclatât, ou fût sur le point d’éclater,
cinq longs mois s’écoulèrent

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