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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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dames ne laissaient pas de me jeter, en catimini, de petits
regards vifs qui me pesaient, me soupesaient, m’appréciaient ou me dépréciaient
en de subtiles balances. Et rapprochant ces regards de ce que Madame de Guise
m’avait dit, je compris enfin que cet intérêt nouveau pour ma personne (car
j’avais vu déjà une bonne dizaine de fois les dames qui étaient là) provenait
de ce qu’elles avaient formé toutes ensemble le projet de m’accoupler à
Mademoiselle de Fonlebon. Or, j’en savais assez sur elles, notamment sur la
Princesse de Conti et Madame de Montpensier, unies à des époux infirmes, ou sur
la Reine et la Duchesse de Guise, unies à des maris volages, pour savoir quel
pâtiment le mariage leur avait apporté. Et cependant, ce malheur ne leur
suffisait pas : elles le voulaient répandre.
    Je ne laissai pas, assurément, d’apercevoir le cheminement
de leur esprit. Mademoiselle de Fonlebon était fille de bon lieu. Son illustre
famille avait du bien. La Reine lui avait de surcroît promis une dot. Elle
était belle et vertueuse. Quant à moi, j’étais illégitime, assurément, mais
cette illégitimité même était glorieuse, puisqu’elle m’apparentait aux Bourbons.
Le Roi m’appelait son « petit cousin ». La Duchesse de Guise
raffolait de moi plus que de ses fils et enfin j’avais « l’air
cavalier », bien que chargé de « science et de talents »,
lesquels, en leur ignorance, ces dames exagéraient.
    Belle lectrice, puis-je dire ici, sans encourir votre
inimitié, que ces marieuses me refroidirent quelque peu à l’égard de
Mademoiselle de Fonlebon, pour la raison que m’éprenant d’elle à la volée, sur
un naïf battement de cœur, je me sentais tout soudain saisi et enveloppé dans
les filets d’un mariage que je n’avais ni prévu, ni décidé, ni même
désiré ? Je l’aimais – ou je croyais l’aimer, ce qui revient au même.
Mais bien que mes « folies de jeunesse » ne fussent pas aussi folles
et hautes que celles de Bassompierre, j’eusse eu l’impression de perdre
l’infinie variété du monde des femmes en en épousant une seule, et d’autant que
mon sentiment naissant pour Mademoiselle de Fonlebon n’avait en aucune façon
chassé mon amour insatisfait pour Madame de Lichtenberg, ni diminué mon regret
d’avoir perdu Toinon.
    En outre, comment aurais-je pu le moindrement désiré épouser
Mademoiselle de Fonlebon, maintenant que je savais que je ne pourrais le faire
tant que le Roi demeurerait en vie, et de vies, à mon Roi, j’en souhaitais cent
pour lui seul, tant je l’aimais, malgré ses faiblesses et ses fautes, et tant
je le croyais nécessaire au bonheur de son peuple.
    Comme si l’objet de tant d’admiration avait été appelé par
l’ardeur de mon souhait, le Roi surgit à cet instant, fort élégant dans un
pourpoint de satin noir et portant sur les épaules un petit manteau « à la
clystérique », ainsi appelé par nos muguets parce qu’il dégageait les
fesses et eût à la rigueur permis sans qu’on le quittât (à condition de baisser
le haut-de-chausses) cette médication dont nos médecins sont si friands.
    Un grand tohu-bohu se fit à la vue de Sa Majesté, toutes les
dames se levant à la fois dans un grand froissement de leurs vertugadins,
lesquels s’évasèrent sur le tapis comme autant de cloches tandis que le Roi
baisait, qui les joues, qui les mains, après avoir galamment posé ses lèvres
sur celles de la Reine en promenant sa maigre main sur ses grasses épaules.
    Il paraissait animé de l’humeur la plus charmante et comme
Madame de Guise, au bout d’un moment, quit de lui son congé, ayant un procès à
solliciter au palais, il lui dit : « Ma bonne cousine, ne bougez
d’ici : nous rirons ! »
    Outre qu’elle lui était fort proche par le sang, étant sa
cousine germaine, il l’aimait fort, trouvant sa compagnie « douce et agréable ».
Je me permettrai de corriger ici ce jugement royal, le trouvant trop édulcoré,
car une des choses qu’Henri appréciait le plus chez ma bonne marraine, n’était
pas tellement sa « douceur » mais qu’elle parlât dru et sans fard
comme lui-même.
    Et bien je me ressouviens qu’en cette petite heure qu’il
passa avec nous, les gausseries dont les cousins se lançaient et se relançaient
la balle eussent fait rougir la Marquise de Rambouillet par leur verdeur et
grandement offensé la pudibonderie de la Reine, si elle avait pu en comprendre
le

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