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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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paternel, à savoir qu’il ne faut
jamais avouer une piqûre, si l’on n’est pas en situation d’en châtier sur
l’heure le piquant, je pris le parti de sourire comme si j’étais connivent à la
plaisanterie. Mais en même temps, je me mis à l’envisager des pieds à la tête
avec la dernière effronterie, attachant mes regards sur ce qu’elle cachait et
sur ce qu’elle ne cachait pas, car assurément elle en montrait beaucoup pour
une pucelle, son corps de cotte en satin feuille morte étant ouvert de l’épaule
à l’épigastre et offrant quasiment à la vue ses tétins bondissants.
    Noémie de Sobole finit par se sentir fort mal à l’aise sous
mes dévergognés regards, cessa de rire, rougit, se leva et debout, les mains
croisées sur son vertugadin, comme pour en défendre l’entrant, elle me dit, la
crête quelque peu rabattue, mais tâchant encore de faire la fière et la
renchérie :
    — Ma fé, Chevalier, il faut que vous ayez plus
d’expérience qu’on en a d’ordinaire à votre âge pour avoir le front de regarder
les femmes ainsi. Toutefois, il y faudrait mettre un peu plus de finesse.
Oubliez-vous que je suis fille et fille de bonne maison ?
    — Comment, dis-je, le pourrais-je oublier, vous
trouvant à me recevoir céans plus douce qu’une agnelle et plus timide que
biche ? Aussi bien, Madame, si mes regards vous offensent, je les ficherai
à terre au moins tout le temps que vous prendrez soin de moi comme vous l’avez
promis, soit en me donnant des confitures, soit en me baisotant, car enfin.
Madame, qui de nous deux a parlé le premier de baiser l’autre ? Et qui, de
nous deux, a accusé l’autre de n’aimer que les vieilles et les mortes ?
    Mademoiselle de Sobole dut penser que si je répétais ce
propos à Madame de Guise, il pourrait lui en coûter sa protection, car elle changea
de visage, d’air et de chanson, rentrant ses griffes et se faisant douce comme
velours. À mon sentiment, de reste, elle n’était point tant méchante que
malavisée et disant les choses à la volée sans trop y réfléchir.
    — Ah ! Chevalier ! dit-elle avec assez de
bonne grâce, il faut vous rendre les armes à la fin. Vous avez trop d’esprit.
Votre cervelle est plus vieille que vos ans, encore que vous soyez grandelet
déjà et la langue si bien affûtée que c’est merveille. Mon Dieu, comme vous
tournez les choses ! On se sent toute perdue avec vous ! Tenez !
Soyons amis ! Faisons la paix ! Oubliez mes sottises ! Et moi
vos déshabillants regards ! Et pour gage de mon bon vouloir, je vous
donnerai un baiser sur la joue.
    J’y consentis et avançant vers moi ses yeux verts et ses
cheveux flamboyants, elle se haussa sur la pointe des pieds et fit comme elle
avait dit. Ce petit baiser me fit grand plaisir. Il me sembla que je l’avais
bien gagné et que j’avais montré au surplus que, tout bâtard que je fusse, je
ne me laisserais pas morguer, fût-ce par une fille.
    Comme Mademoiselle de Sobole achevait de sceller avec moi ce
traité de paix, une petite porte en tapisserie s’ouvrit à la gauche du grand
lit à baldaquin de Madame de Guise. Une chambrière apparut et, s’adressant à la
fille d’honneur mais m’envisageant du coin de l’œil avec une avide curiosité
(ce qui me donna à penser que tout le domestique savait déjà qui j’étais), elle
dit, en fronçant les lèvres sur le ton de la minauderie :
    — Madame, plaise à vous d’introduire le Chevalier de
Siorac. Son Altesse le veut maintenant recevoir en son petit cabinet.
    Petit, le cabinet ne l’était pas, ayant les dimensions de ma
chambrette, et agrémenté, en outre, d’une grande fenêtre à meneaux qui donnait
sur des chênes. Le jour finissant luisait encore sur leurs feuilles, mais il
s’en fallait que sa lumière pût suffire aux subtils travaux auxquels on
s’adonnait là, car sur une toilette enrobée de velours bleu et encombrée d’une
multitude de pots, d’onguents, de poudres, de pâtes, de brosses, de peignes,
d’épingles, de ciseaux, d’eaux de senteur et de fers à friser, deux grands
chandeliers d’argent étoilés de bougies se dressaient et éclairaient un grand
miroir de Venise devant lequel, me tournant le dos. Madame de Guise était
assise.
    Je dus, pour parvenir jusqu’à elle traverser une abondance
tout à fait délicieuse de personnes du sexe : outre les quatre chambrières
fort accortes qui s’affairaient autour d’elle, l’une pour lui frisotter

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