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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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et l’étroitesse du couloir, me parut vaste,
claire et fort parée.
    Comme Mademoiselle de Sobole se taisait, je jetai un coup
d’œil aux alentours. Les plafonds étaient faits de caissons dorés peints de
sujets mythologiques, les murs tapissés de satin gansé d’or, le même satin se
retrouvant sur la courtepointe du lit à baldaquin et les courtines qui le
fermaient. Le tout dans les nuances de bleu qui répondaient à l’iris pervenche
de Madame de Guise. L’ensemble eût été lumineux, mais un peu froid, sans la
diversité de couleurs apportée par un tapis de Turquie et par deux grands
portraits pendus au mur, l’un représentant la Duchesse de Guise en sa maturité
et, chose surprenante, vêtue de rose, et l’autre qui me sembla fort attirant.
    — C’est la Duchesse de Nemours, dit Noémie de Sobole
qui avait observé la direction de mon regard. Comme vous savez, Chevalier, elle
avait épousé en premières noces François de Guise et le fils qu’elle eut de
lui, Henri, épousa Son Altesse.
    — Il est beaucoup question de Madame de Nemours,
dis-je, dans les Mémoires de mon père. Il l’envitailla pendant tout le siège de
Paris. Il semble aussi qu’il en fut platoniquement amoureux.
    — Mais je le sais ! dit Mademoiselle de Sobole
triomphalement, je sais aussi, ajouta-t-elle, en me regardant d’un air entendu,
que ce fut le seul amour de ce genre que connut le Marquis.
    Cette parole ne me plut pas davantage que le coup d’œil qui
l’accompagnait et je dis :
    — Vous qui en savez tant, Madame, pouvez-vous me dire
pourquoi Son Altesse a placé le portrait de sa mère dans sa grand’salle, et le
portrait de sa belle-mère dans sa chambre, à côté du sien ?
    — C’est qu’elle aimait la seconde plus que la première.
Le monde entier, d’ailleurs, adorait la Duchesse de Nemours. Et quand elle est
morte, il y a à peine trois mois, à l’âge de quatre-vingts ans, même la cour
l’a pleurée.
    — Je comprends ce sentiment, dis-je, elle est peinte là
en son vieil âge, le cheveu blanc et les traits du visage quelque peu
affaissés, mais l’œil est si jeune, si vif, si bon…
    — Monsieur, dit Noémie de Sobole d’un ton badin,
n’admirez-vous en ce monde que les dames âgées et les mortes ?
    Cet assaut me surprit au point que j’aurais perdu
contenance, si je ne m’étais avisé d’une méthode que m’avait enseignée La
Surie. Je considérai en silence mon interlocutrice comme si j’inventoriais avec
soin les qualités qu’elle pouvait avoir et l’effet qu’elles produisaient sur
moi. À y réfléchir ce jour d’hui, je ne crois pas que Noémie de Sobole fût
aussi belle qu’elle me parut alors dans le chaud du moment. Néanmoins, elle dut
avoir pour moi quelque attrait, ne serait-ce que celui de la nouveauté, ayant
les yeux verts, des taches de son sur le visage, un air d’impertinence et une
de ces chevelures de feu qui paraissent trahir au-dehors les flammes du dedans.
    Ayant fini à loisir mon inspection, je lui dis tout uniment
et du ton sur lequel j’aurais parlé à Toinon :
    — Si vous voulez mon sentiment sur vous, je dirais que
je vous trouve fort belle et tout à fait désirable.
    Ce coup la prit sans vert et elle rougit, mais trop
glorieuse pour avouer son embarras, elle se rempara derrière un grand éclat de
rire.
    — Mon Dieu, Monsieur ! dit-elle. Est-ce là comme
vous pensez qu’on parle à une fille de bon lieu ? Vous me donnez du bel
œil ! Vous y allez d’un gros compliment ! Voilà qui montre peu
d’usage ! Et moi qui me préparais, pour vous faire prendre patience, à
vous donner des confitures et à vous baisoter comme un enfant !
    — Madame, dis-je en la saluant avec froideur, je ne
regrette pas tant les confitures que les baisers, et si j’avais su qu’il
fallait faire le marmot pour les avoir, je serais venu céans tout emmailloté.
    Elle redoubla de rire à ouïr ce propos, mais d’une façon
outrée et outrageante, comme si elle avait affaire à quelque turlupin et,
s’esbouffant comme folle, elle se laissa choir dans une chaire à vertugadin, la
main devant la bouche et me regardant de son œil vert, comme si elle se moquait
de mes extravagances.
    Pour moi, devant elle, mon chapeau à la main, je la
considérai sans mot dire, trouvant que pour une fille d’honneur de la Duchesse,
elle ne me traitait pas avec la moitié du respect qu’elle devait au fils de sa
protectrice. Mais me souvenant d’un axiome

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