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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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peu fatigante occupation, toute glorieuse de sa conquête,
l’œil en fleur et me lançant, quand et quand, d’assassines œillades.
    Toutefois, je ne poursuivis pas trop longtemps le jeu,
craignant que Madame de Guise s’en aperçût, bien que tout se passât très
au-dessus de sa tête, mais non pas, comme je m’en avisais, à l’abri des vues de
ses miroirs. Je m’attachai alors à sa coiffure dont je suivis le progrès
jusqu’à sa terminaison et qui me parut plus élaborée que véritablement seyante.
Mais tant la mode était tyrannique, que presque toutes les dames, comme je le
constatai à ce bal, portaient alors la même, à l’exception de la reine Margot
qui appartenait à une autre époque, et de la reine Marie qui se faisait coiffer
par Léonora Galigaï dans le style florentin.
    On pouvait, à la rigueur, accepter les bouclettes fines, en
rangs serrés et d’inégales longueurs, qui caressaient les joues et allaient
moutonner sur la nuque, mais je n’aimais guère la frange clairsemée de très
petites boucles qui venait mourir à mi-front et moins encore la fuite, derrière
ces pauvres petits éclaireurs, du gros des cheveux qui, tournant brusquement
casaque, se rabattaient en arrière, raides et plats, jusqu’aux boucles de la
nuque. Et à quoi servait la couronne de perles que la friseuse fixa sur
l’arrière de la tête, si ce n’est à signaler ce désert au lieu de
l’agrémenter ?
    Bref, on ne s’était pas assez occupé de moi et je me sentais
rebéqué et rebelle jusqu’à critiquer aigrement en mon for le nœud de velours
que la friseuse noua sur le côté droit en haut de l’échafaudage des boucles. Et
pourquoi pas aussi bien sur le côté gauche ? Et pourquoi pas, tant qu’on y
était, sur le sommet du crâne ?
    — Mon Dieu ! mon Dieu ! s’écria Madame de
Guise, mais il est l’heure !
    Et jugeant sans doute que sa robe de chambre n’était pas un
vêtement, elle ajouta :
    — Et je suis nue !
    Elle passa à pas pressés dans sa chambre, suivie des
chambrières et de Mademoiselle de Sobole, me laissant seul au bec à bec avec
les trois filles d’honneur. Je me levai incontinent de mon tabouret et je leur
fis un grand salut auquel elles répondirent par une belle révérence. Là
s’arrêta notre entretien car si elles me dévisageaient à m’user la peau de la
face, elles paraissaient résolues à ne piper mot.
    Comme je m’interrogeais sur les raisons de ce silence, un
cri de douleur s’éleva, venant de la chambre voisine.
    — Mais qu’est cela ? dis-je.
    — C’est Son Altesse, dit une des filles d’honneur. On
lui lace sa basquine et elle étouffe.
    — Mais pourquoi la lacer si serré ?
    — Pour qu’elle puisse passer son corps de cotte et
agrafer son vertugadin.
    — Mais pourquoi le corps de cotte et le vertugadin
sont-ils si étroits ?
    Elles me considérèrent, étonnées. Après quoi, elles
s’entre-regardèrent et échangèrent des sourires, mais sans me répondre mot ni
miette, tant peut-être ma question leur paraissait saugrenue.
    Perrette passa la tête par la porte en tapisserie et dit en
fronçant les lèvres, très à la minaudière :
    — Son Altesse demande Monsieur le Chevalier de Siorac.
    On achevait de mettre ses bijoux à Madame de Guise,
laquelle, si je la compare à la Reine et aux autres princesses de la cour que
je vis à ce bal, faisait preuve, en ce domaine, d’une remarquable sobriété. À
part la petite couronne qu’on lui avait fixée sur le plat des cheveux, elle ne
portait qu’un collier à trois rangs de perles au cou, des perles encore à ses
oreilles (entr’aperçues à travers le pendouiller des bouclettes), un anneau
d’or à la main gauche et un gros rubis entouré de diamants au majeur de sa
dextre. Mes belles lectrices voudront bien admettre que c’était assez peu pour
une princesse du sang et qu’Henri avait raison, comme je sus plus tard, de
donner Madame de Guise en exemple à la Reine, laquelle apparut précisément à ce
bal avec un bracelet tout entier de diamants d’une valeur de
360 000 livres, soit à peu près l’équivalent du budget annuel qu’elle
recevait du Roi pour l’entretien de sa maison. Dette énorme qu’Henri refusait
de payer, la réduisant au désespoir.
    — Ah ! Monsieur mon filleul ! dit Madame de
Guise, comme si je venais d’arriver, vous voilà enfin ! Pendant qu’on me
chausse, j’ai deux mots à vous dire touchant la Reine. Si le Roi, à ce

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