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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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des Flandres, à bêtes et bocages. Et à votre senestre, des
tapisseries des Flandres encore, mais à verdures et personnages. Et aussi,
symétriquement disposés, quatre grands portraits représentant à droite Monsieur
de Clèves et Mademoiselle Marguerite de Bourbon, les parents de Son Altesse, et
en face son époux, Henri de Guise, assassiné à Blois et son beau-père, François
de Guise, lui aussi, hélas, assassiné quelques années plus tôt.
    Cet « hélas » me parut des plus opportuns, car on
aurait pu croire, à ouïr Monsieur de Réchignevoisin prononcer si suavement le
mot « assassiné », qu’il s’était agi là d’événements tout à fait
anodins. Cependant, Monsieur de Réchignevoisin se tut, paraissant attendre de
moi un commentaire. Mais on pense bien qu’étant fils de huguenot et ennemi juré
des ligueux, je n’avais pas à me prononcer sur l’opportunité de ces attentats,
et je tins fermement ma langue dans la prison de mes dents.
    — Vous observerez, poursuivit-il, que les bras d’argent
saillent du mur de part et d’autre des portraits afin qu’ils soient la nuit
parfaitement éclairés.
    — Si j’en crois son portrait, dis-je, pour rompre un
silence qui, en se prolongeant, aurait pu paraître hostile à la maison de
Lorraine, le Duc Henri de Guise avait fort grande mine.
    — Assurément. Son Altesse est accoutumée de dire que
s’il avait été aussi avisé qu’il était beau, elle serait ce jour d’hui reine de
France.
    Je souris à ouïr ce propos, tant il me parut s’accorder au
caractère primesautier de ma bonne marraine. Ce que voyant, Monsieur de Réchignevoisin
sourit aussi, non peut-être parce qu’il avait capté ma pensée, mais parce qu’il
avait compris combien j’étais affectionné à Madame de Guise.
    Cependant, je remarquai que les laquais, étant revenus dans
la grand’salle, cette fois sous la conduite d’une sorte d’intendant portant un
registre et une écritoire, entreprenaient d’ôter des guéridons et des consoles
une quantité d’objets de valeur qui s’y trouvaient : coffrets d’argent,
porcelaines, figurines d’albâtre, vases de Chine, horloges et autres coûteux
bibelots, lesquels, après avoir été inscrits sur le registre par l’intendant,
étaient rangés dans un placard mural dont la porte en chêne massif ne
comportait pas moins de trois serrures.
    — Monsieur le chambellan, dis-je béant, qu’est
cela ? Pourquoi dépouille-t-on la salle de ses plus jolis ornements ?
    — Après le dernier bal de Son Altesse, dit Monsieur de
Réchignevoisin en baissant avec pudeur ses paupières sur ses yeux ronds, nous
avons constaté d’inexplicables disparitions…
    — Des vols ! dis-je.
    — À Dieu ne plaise ! dit-il en poussant un pieux
soupir.
    — C’est donc que des intrus se sont glissés parmi les
invités.
    — C’est impossible. Tous ceux qui se trouvaient là
étaient gens de bon lieu et de bonne maison et, en outre, de moi personnellement
connus.
    — Pouvait-on soupçonner les laquais ?
    — Jamais ! jamais ! dit Monsieur de
Réchignevoisin en s’animant. Ils sont tous lorrains et à Son Altesse
fanatiquement dévoués.
    Je le regardai et me tus, trouvant peu sage de le
questionner plus avant. Au bout d’un moment, il releva ses paupières, me
regarda, et de nouveau soupira avec componction, puis hocha la tête à trois
reprises comme s’il jugeait de haut, mais malgré tout avec mansuétude, les
faiblesses de la nature humaine.
     
    *
    * *
     
    M’ayant fait traverser la grand’salle, Monsieur de
Réchignevoisin me conduisit par un couloir assez obscur à la porte de Son
Altesse à laquelle il toqua d’un doigt circonspect. Une demoiselle ayant, au
bout d’un long moment, montré son frais minois dans l’entrebâillement de l’huis.
Monsieur de Réchignevoisin lui dit en un aimable chuchotis qu’il y avait là
Monsieur le Chevalier de Siorac que Son Altesse avait mandé.
    — Qu’il entre ! dit la demoiselle d’une voix jeune
et gaie. En attendant que Son Altesse le reçoive, je prendrai soin de lui.
    — Monsieur le Chevalier, Noémie de Sobole va prendre
soin de vous, répéta gravement Monsieur de Réchignevoisin qui, après m’avoir
fait un profond salut, se fondit en un tournemain dans la nuit du couloir.
    — Entrez ! entrez ! dit Noémie de Sobole
d’une voix rieuse.
    Et me prenant familièrement par la main, elle m’attira dans
une chambre qui, après l’obscurité

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