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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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le
cheveu, l’autre pour chauffer les fers, la troisième pour passer les épingles,
et la quatrième pour lui masser les pieds, il y avait là pas moins de trois
personnes de condition, jeunes et fort jolies, dont je pensai qu’elles devaient
être, comme Mademoiselle de Sobole, des filles d’honneur de la Duchesse. Debout
le long du mur, habillées de teintes pastel, souriantes et désœuvrées, elles ne
paraissaient être là que pour la décoration, ou pour honorer leur protectrice,
ou peut-être pour répondre, toutes ensemble, à ses propos, comme le chœur des
tragédies grecques.
    — Or çà, Monsieur mon filleul, dit Madame de Guise, dès
qu’elle aperçut mon reflet dans le miroir de Venise, que veulent dire ces
grands éclats de gaité que je viens d’ouïr ? Êtes-vous venu céans pour
détourner mes filles ?
    — Nullement, Madame. Mademoiselle de Sobole me
taquinait sur mon âge et je lui disais que j’étais prêt à faire le marmot, si
elle me donnait des confitures.
    Les filles d’honneur rirent à cela comme nonnains à la
récréation. Mademoiselle de Sobole me remercia d’un battement de cils pour
cette version ad usum dominae [13] de
notre entretien. Et Madame de Guise sourit en hochant la tête.
    — Dieu merci, vous n’êtes encore qu’un enfant !
dit-elle d’un air satisfait, comme si le fait de me trouver jeune allait la
rajeunir. Allons, mon filleul, approchez, poursuivit-elle, ne restez pas à des
lieues !
    J’obéis, elle pivota sur son tabouret et quand j’eus mis un
genou à terre, elle me donna sa main gauche à baiser, la main droite tenant par
sa poignée de nacre un petit miroir en forme de losange dont elle conjuguait le
reflet avec celui du grand miroir en face d’elle afin d’observer l’ouvrage de
la friseuse sur ses cheveux. Ce qui fait qu’elle ne me regarda pas non plus,
ses yeux étant fort occupés à cette surveillance. Je m’en trouvai un peu marri,
car j’étais fort charmé de la voir, non comme je la voyais toujours en notre
logis de la rue du Champ Fleuri, armée de pied en cap et pour ainsi dire
cuirassée dans son corps de cotte, sa basquine et son vertugadin, mais n’ayant
sur elle qu’une robe de chambre, laquelle, outre la liberté qu’elle donnait à
son corps, me parut, à dire le vrai, fort belle, étant de soie bleu pâle avec
des passements d’or et des boutons de soie bleu de nuit. Je la regardais de tous
mes yeux et éprouvais quelque émeuvement à la voir pour la première fois en sa
maison, dans son intimité, et vêtue de ce simple appareil, par où elle me
paraissait plus féminine, plus maternelle et plus proche de moi. Comme j’eusse
aimé alors que, par un simple regard, elle comprît la joie que j’y goûtais et
qu’elle la partageât ! Mais cela ne fut pas possible : le temps la
pressait sans doute. Elle avait fort à faire à surveiller la confection de ses
bouclettes et comment l’en blâmer ? J’étais trop jeune alors pour
comprendre qu’être une femme est un métier dont les tâches ne laissent pas
toujours le loisir d’être émue. Le nœud de ma gorge se serra et je m’aperçus,
non sans vergogne, que j’avais envie de pleurer.
    — Mon Dieu ! mon Dieu ! murmura Madame de Guise
en jetant un œil à une montre-horloge dressée à une courte distance sur sa
toilette, je ne serai jamais prête ! Et vous verrez qu’un de ces fâcheux
va se mettre dans la tête d’arriver à l’heure ! Et qui pis est, ce sera
mon gendre ! Mon filleul, ajouta-t-elle, son œil inquiet passant sur moi
sans s’arrêter, ne restez pas planté là ! Perrette, un tabouret !
Vite, pour le Chevalier ! Là contre le mur !
    Perrette qui était, des quatre chambrières, la moins
occupée, car sa tâche consistait à passer, sur sa demande, à la friseuse, des
épingles à cheveux, me vint porter un tabouret (que mon père, en ses Mémoires,
appelle une escabelle, mais le mot, bien que joli, n’est plus guère employé).
Elle en profita pour me dévisager, comme elle avait fait déjà en venant m’appeler
dans la chambre, avec une curiosité plus que naïve. Ce fut tout justement comme
si elle avait dit à haute voix : « Je connais la mère et maintenant,
voyons comme est fait ce fils qu’on nous a caché si longtemps. » Après
quoi, satisfaite de sa rapide inspection, elle me donna le bel œil, que je lui
rendis aussitôt, me sentant un peu triste et quasi tenu à l’écart. Ce qui fit
qu’elle revint à sa

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