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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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était
aussi fort vaillant. Il n’avait peur que d’une chose, mais de celle-là
excessivement : déplaire au Roi. Et cette crainte l’a égaré sur le tard
hors des droits chemins, quoiqu’il eût été, jusque-là, plein d’honneur.
    — Comment cela ? – Je dirai, pour abréger,
dit mon père évasivement, qu’il n’a pas agi, au regard de sa fille Charlotte,
comme moi j’aurais fait, si j’avais été à sa place. »
    — Voilà donc le nouveau chevalier ! dit le
Connétable d’une voix aimable et tonitruante dès que mon père m’eut présenté à
lui. Chevalier à quinze ans ! Testebleu ! Faut-il que le Roi vous
aime ! Et non sans de bonnes raisons, ajouta-t-il avec quelque lourdeur.
Sans compter qu’on vous dit fort savant déjà ! Jour de Dieu ! Comme
j’aimerais que mon Henri morde davantage à l’étude ! Mais autant Charlotte
ressemble à sa défunte mère, autant mon fils est ma portraiture toute
crachée ! Rien qu’à voir un livre, il bâille ! S’il prend la plume,
elle pèse plus lourd à sa main qu’une épée ! Voilà le mauvais de la
paix ! Les gens ne pensent plus qu’à lire et à barbouiller du papier. De
mon temps, Marquis, on n’en exigeait point tant d’un gentilhomme ! Vous et
moi dit-il, oubliant que mon père était docteur-médecin, pourvu qu’on sût lire
une lettre-missive que vous envoyait le Roi, et signer son nom au bas d’une
réponse qu’on avait dictée à un clerc, on en savait bien assez ! Mais ce
jour d’hui, c’est une vraie rage ! Même les femmes y tâtent et se mêlent
de raisonner. Mais grâce à Dieu, Chevalier, poursuivit-il en se tournant vers
moi, vous n’avez rien d’un poupelet, tout savant que vous êtes. Vous êtes grand
et fort. Vous montez bien, je gage, vous tirez l’épée. Vous dansez aussi,
testebleu !
    — Passablement, Monseigneur, dis-je en m’inclinant.
    — Comment cela, passablement ? dit le Connétable.
Je vous ai vu danser la sarabande, et mieux que passablement, avec cette
fille qui se dépoitraillé ! Tudieu, Marquis ! poursuivit-il en se
tournant vers mon père, vous me connaissez ! Je ne suis pas de ces vieux
baveux, cracheux et toussoteux qui, par fausse vergogne, cachent leurs
sentiments. À voir se déhancher et se trémousser cette déshontée garcelette,
mon sang se bouillait dans mes veines. Le Diable emporte la pécore ! Je
perdais, à la voir, le peu de religion qu’il me reste. Quoique j’en eusse, je
ne regardais qu’elle et pour tout avouer, ses tétins m’ont donné furieusement
dans la vue !…
    Le Connétable avait la voix aussi haute que s’il commandait
sur un champ de bataille et comme les gens, autour de nous, commençaient à
prêter l’oreille, mon père décida de couper court et dit :
    — Et comment vont vos beaux enfants, Monseigneur ?
    — Bien, bien, bien, dit le Connétable qui, n’entendant
pas pourquoi mon père avait changé de sujet, jeta autour de lui un regard
soupçonneux, comme s’il se demandait si le père ou le frère de Noémie de Sobole
se trouvait dans les alentours.
    — Mais venez, poursuivit-il, je vais présenter le
Chevalier à mes enfants. Henri n’a que douze ans, mais Charlotte en a quatorze
et sera ravie de danser avec le Chevalier, d’autant que c’est son premier bal
et qu’elle ne sera officiellement présentée à la cour que l’an prochain.
    Je ne sais si Charlotte de Montmorency fut tant ravie de me
voir. Peut-être avait-elle rêvé, pour sa première danse, d’un cavalier un peu
moins béjaune. Mais, quant à moi, je restai bouche bée. Ce n’est pas qu’elle
eût le grand air de la Princesse de Conti ou le piquant de Charlotte des
Essarts, mais c’était le plus joli bijou de femme que je vis jamais, le plus
finement ciselé, le plus parfait en toutes ses facettes, et si j’osais le dire
sans offenser personne, le plus féminin. Ses cheveux dorés, ses yeux azuréens,
son nez, ses lèvres, ses fossettes, la peau si fine et si blonde de son visage,
composaient une physionomie si parfaite qu’on ne se lassait ni de l’admirer en
son ensemble, ni de la détailler en toutes ses parties. Il en était de la jeune
Charlotte comme d’une belle œuvre d’art. Elle vous arrêtait d’abord. Elle vous
transportait ensuite. Et plus on l’envisageait, plus on découvrait en elle des
raisons de s’émerveiller.
    À vue de nez et bien qu’elle fût déjà, en stature et
rondeurs, tout à plein achevée, on croyait

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