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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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dernière brièveté – mais il est
vrai qu’il était à cet instant fort pressé –, il lui dit : « Mon
cousin, faites vos bagues dès ce soir et, dès demain, rejoignez votre
gouvernement de Saint-Dizier [22] . »
    — Ses bagues ?
    — Ses bagages, comme on dit ce jour d’hui. Henri, comme
mon père, appartenait au siècle dernier et en employait encore les formes
désuètes.
    — Que fit Joinville ?
    — Éperdu, il dépêcha un laquais à sa mère pour lui
demander de le venir rejoindre dans le cabinet vieil.
    — Qu’était-ce donc que cela ?
    — Le mot lui-même est vieillot. On désignait par là une
petite pièce attenante à la chambre de Madame de Guise. Elle était meublée d’un
lit de repos caché par un paravent et de quelques chaires à vertugadins. Il
m’est arrivé souvent dans la suite d’y dormir, quand ma bonne marraine me
retenait à coucher en son hôtel après avoir soupé avec moi. Malgré ma grande
amour pour elle, je n’aimais guère cela.
    — Et pourquoi donc ?
    — Parce qu’au milieu de mon repos, elle me faisait
réveiller par Noémie de Sobole, elle-même dans ses robes de nuit, pour venir écouter,
dans son vaste lit, l’interminable litanie de ses soucis familiaux.
    — Revenons à Joinville.
    — Si on en croit le récit de Madame de Guise, dès
qu’elle entra dans le cabinet vieil, Joinville se jeta à ses pieds, enfouit son
clair visage dans les plis bleus du vertugadin maternel, y versa un torrent de
larmes, et s’écria d’une voix étouffée : « Madame, c’en est fait de
moi ! Le Roi vient de m’ordonner avec une brièveté terrible de rejoindre
Saint-Dizier. Je n’y survivrai pas ! »
    — Que dit votre marraine ?
    — Elle consola ce grand bébé et, voyant son beau visage
tout gâté par les larmes, l’envoya en sa propre chambre pour y quérir de l’eau
et se rafraîchir. Puis elle dépêcha Monsieur de Réchignevoisin dire au Roi
qu’elle le suppliait de la venir trouver en le cabinet vieil. Or, il n’avait
pas échappé à Réchignevoisin, qui voyait tout, que le Roi était à ses affaires
dans la chambre des commodités où je me trouvais moi-même, ayant quasiment
couru là pour les mêmes raisons que lui, dès que fut terminé le passe-pied
de Metz. À mon entrant, je vis le Roi assis sur le seul trône qui fût
commun à tous les hommes. Il se trouvait, à vue de nez, dans les meilleures
dispositions du monde, s’étant pour ainsi parler purgé de sa mauvaise humeur.
En fait, il devisait gaiement avec trois de ses vieux compagnons, Roquelaure,
Vitry et le Prince des Sots.
    — Le Prince des Sots ?
    — Angoulevent, un gentilhomme que le Roi nommait ainsi
et qui recevait pension pour l’égayer de ses saillies.
    — Le capitaine de Vitry, je connais déjà. Vous me
l’avez montré s’entretenant avec Concino Concini, mais Roquelaure ? Qui
était celui-là ?
    — Oh ! Roquelaure ! C’est un fidèle parmi les
fidèles ! Tout catholique qu’il fût, il avait combattu avec Henri, alors
qu’il était encore huguenot. Bon soldat assurément, et rien qu’à voir sa grosse
trogne cramoisie, on sentait qu’il était franc comme écu non rogné. À son
entrée dans Paris libéré, Henri fit de lui le grand maître de sa garde-robe.
    — Maigre honneur !
    — Honneur grandissime, Madame, tout au rebours !
Et en outre, fort enrichissant, en raison des relations succulentes qu’il
permettait d’entretenir avec les drapiers, bottiers, chapeliers et tailleurs de
la capitale.
    — Quoi ? Graissait-on la patte du grand
maître ?
    — Cela allait de soi et Roquelaure était fort bien
garni, encore qu’il eût le bon goût de reperdre une petite partie de cette
graisse en jouant à la prime avec le Roi.
    — Le Roi gagnait beaucoup au jeu, semblait-il. Que
faisait-il de cet argent ?
    — Une partie allait aux favorites et une autre aux
missions secrètes qu’il entretenait dans ce qu’il appelait « les affaires
du dehors du royaume ».
    — Il eût pu, pour celles-là, demander des pécunes à
Sully.
    — Il cachait ces missions à tous, même à Sully.
    — Comment donc les connaissez-vous ?
    — Je le dirai dans la suite de ces Mémoires.
    — Que vous voilà clos et cousu, tout soudain, mon
ami ! Revenons à notre propos. Qu’en fut-il de cet entretien du Roi et de
Madame de Guise en le cabinet vieil ?
    — Il fut fort pathétique. Madame de Guise se jeta en
pleurs aux pieds du Roi en

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