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La Volte Des Vertugadins

La Volte Des Vertugadins

Titel: La Volte Des Vertugadins Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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criant : « Ah ! Sire ! N’exilez
pas mon fils ! Il n’y survivra pas ! Tuez-moi plutôt ! »
    — N’était-ce pas un peu théâtral ?
    — Ma bonne marraine n’est rien moins qu’excessive. Vous
l’avez peut-être observé.
    — Que fit le Roi ?
    — Il rit à gueule bec. « Madame, dit-il, je n’ai
jamais tué de femme et ne saurais même pas comment m’y prendre ! Vais-je
commencer par vous ? »
    — J’admire cette gentillesse. Joinville, quand le Roi
fut assassiné et la Moret démariée, fut-il fidèle à sa promesse écrite de
mariage ?
    — Pas plus que Bassompierre ne tint celle qu’il avait
baillée à la sœur de la Verneuil.
    — Leur honneur de gentilshommes les y eût pourtant
obligés.
    — Vous les eussiez beaucoup étonnés, Madame, en parlant
d’honneur à ce propos. En ce siècle barbare, toutes les ruses de guerre étaient
bonnes pour emporter la résistance d’une dame, y compris l’assaut final.
Savez-vous comment le Marquis de Braignes s’y prit pour venir à bout de
Mademoiselle de Sennecterre, beauté mûrissante dont il convoitait en vain le
verger d’arrière-saison ? Il s’introduisit nuitamment dans l’Hôtel de
Nemours, enfonça la porte de la chambre à coucher et, sans un mot, viola la
belle. Le lendemain, urbi et orbi, il s’en vanta.
    — L’horrible homme ! Comment était-il ?
    — Vous voulez dire, belle lectrice, de son
physique ?
    — Oui, Monsieur, je veux dire : de son physique,
et je vous prie de ne pas sourire de cet air entendu.
    — Braignes était un fort beau gentilhomme en ses
chatoyants atours, et si bien dansant, si bien-disant, si raffiné en ses
manières…
    — Oui-da ! Grattez le vernis, vous trouvez le
soudard ! Il n’était pas le seul, j’imagine. Votre Joinville ne vaut guère
mieux. À peu que je n’aille plaindre la Moret ! Démariée, resta-t-elle
fille ?
    — Peu de temps. Elle maria Roquelaure.
    — Roquelaure ? Le grand maitre de la
garde-robe !
    — Sa charge disparut avec le Roi, mais la Reine,
devenue régente, le fit maréchal de France pour s’assurer de sa fidélité.
    — Lui fut-il fidèle ?
    — Certes.
    — Et à sa femme ?
    — Je le crois. L’ex-favorite et le maréchal de France
avaient dans tous les cas de solides raisons de s’entendre. Ils aimaient
l’argent et s’étaient tous deux au fil des ans fort bien garnis en
pécunes ; lui, en habillant le Roi et elle, en le déshabillant.
     
    *
    * *
     
    Quand le Roi m’eut ordonné d’aller dire à Monsieur de
Réchignevoisin qu’il voulait danser le passe-pied de Metz, je pris congé
de lui en me génuflexant à trois reprises à reculons, comme l’exigeait
l’étiquette, mais fort ébahi par la façon dont s’étaient passées mes
présentations. Et pour ne rien celer, me paonnant fort en ma jeune gloriole de
l’adresse avec laquelle j’avais répondu aux propos griffus de la Reine, je ne
pris pas garde que j’étais sur une estrade. Et quand celle-ci tout soudain se
déroba sous moi, j’aurais chu à la renverse sur le parquet de la salle au grand
dam de mes os et de ma dignité, si mon père ne s’était pas lancé promptement à
la rescousse pour me saisir dans ses bras au moment où je perdais pied. Il eut
l’esprit de changer incontinent ce sauvetage en une forte brassée paternelle de
congratulation. Ce qui fit que personne ne s’aperçut de ma bévue, sauf le Roi
dont l’œil brilla de malice, mais n’en fit autrement mine ni semblant, ne
voulant pas faire rire d’un petit chevalier tant frais émoulu qu’étourdi.
    Mais étourdi, je l’étais aussi en un autre sens. J’ai conté
déjà à quel point Henri régnait sans rival sur nos lares domestiques, présent
par mille propos dans notre quotidien, aimé et admiré au-dessus de tout, non
comme un dieu, mais comme un homme, car ses faiblesses mêmes nous trouvaient
indulgents, comme étant la terrestre rançon de ses vertus. À le voir, à l’ouïr,
même en cette brève minute de présentation, je n’étais pas déçu. Henri était
bien tel que tant de récits m’avaient permis de l’imaginer : un homme dont
le vigoureux génie allait de pair avec une rare douceur de cœur. J’étais si
ravi à moi-même par la simplicité, la cordialité et je dirais même la
complicité de son accueil que je jurai dès cet instant de consacrer ma vie à
son service, comme de reste il venait de me le demander. Hélas ! Comment
aurais-je pu prévoir

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