Labyrinthe

spectacle , constata-t-elle.
    « Déjà ? C'est du travail rapide…
    — Un service que l'on m'a rendu.
    — Merci, dit Marie-Cécile en posant l'enveloppe sur ses genoux, je la lirai plus tard. Pourquoi ne pas me la résumer, car vous en avez pris connaissance, n'est-ce pas ?
    — Ce n'est qu'un rapport préliminaire en attendant des résultats d'analyses plus approfondies.
    — Je comprends, acquiesça-t-elle en se calant au dossier.
    — Les ossements sont ceux d'un homme et d'une femme. On estime qu'ils datent entre sept et neuf cents ans. Le squelette de l'homme porte des traces de plaies non cicatrisées au bassin et au fémur, suggérant qu'elles lui ont été infligées peu avant sa mort. On a également relevé des traces de blessures, plus anciennes, celles-là, au bras droit et à la nuque.
    — Quel âge avaient-ils ?
    — Entre vingt et soixante ans. Les analyses à venir nous donneront plus de précisions. Même topo en ce qui concerne la femme : la boîte crânienne comporte une fracture sur le côté, provoqué par un coup ou une chute. Elle a porté au moins un enfant. Il y a aussi des marques d'une fracture guérie au pied droit, et une autre non guérie au cubitus gauche.
    — La cause de la mort ?
    — Le légiste n'est pas prêt à se prononcer à ce stade-ci de l'analyse, même si, selon lui, il sera difficile d'établir un diagnostic définitif. Vu la période à laquelle ont vécu ces gens, ils sont sans doute morts de leurs blessures, d'hémorragie et de faim tout à la fois.
    — Pense-t-il qu'ils vivaient encore au moment où on les a conduits dans la grotte ? »
    Même si Authié se borna à hausser les épaules, Marie-Cécile remarqua une étincelle d'intérêt dans ses yeux gris. Elle prit une cigarette dans son étui, et la fit rouler entre ses doigts d'un air songeur.
    « Et qu'en est-il des objets trouvés entre les corps ? s'enquit-elle en se penchant vers la flamme que lui tendait Authié.
    — Toujours la même incertitude. On les situe entre la fin du XII e et le milieu du XIII e siècle. La lampe trouvée sur l'autel est peut-être plus ancienne. Elle serait d'origine arabe ou espagnole, cela reste à déterminer. Le couteau n'offre aucune caractéristique particulière, sinon qu'il comporte des traces de sang. Les analyses diront s'il s'agit de sang humain. Le sac de cuir est typique de la région du Languedoc, tel qu'il se fabriquait à l'époque. Aucun indice permettant d'établir ce qu'il a pu contenir, si ce n'est qu'on y a relevé des particules de métal et de peau de mouton.
    — Quoi d'autre ? demanda encore Marie-Cécile d'un ton le plus monocorde possible.
    — Le docteur Tanner, la personne qui a découvert la grotte, a aussi trouvé une fibule d'argent, coincée sous le rocher qui en condamnait l'entrée. Elle remonte à la même époque et semble avoir été fabriquée dans la région ou peut-être en pays d'Aragon. Vous en trouverez une photographie dans l'enveloppe. »
    Marie-Cécile balaya l'air de la main.
    « Cette broche n'offre aucun intérêt, Paul, dit-elle en soufflant la fumée de sa cigarette. En revanche, je veux savoir pourquoi vous n'avez pas trouvé le livre. »
    Elle vit les doigts de l'homme se crisper sur l'accoudoir.
    « En réalité, nous n'avons aucune preuve qu'il s'y trouvait, déclara-t-il sans se départir de son calme. Bien que le sac de cuir soit suffisamment grand pour en contenir un de la dimension que vous recherchez.
    — Et l'anneau ? Doutez-vous qu'il s'y trouvait, aussi ? »
    Une fois encore, Authié ne se laissa pas désarçonner :
    — J'en suis convaincu, au contraire.
    — Et alors ?
    — Quelqu'un s'en est emparé entre le moment où la grotte a été découverte et mon arrivée.
    — Vous n'en avez pas non plus la preuve, assena-t-elle d'une voix tendue. Si je vous suis bien, vous n'êtes en possession ni du livre ni de l'anneau. »
    Marie-Cécile le vit alors produire un feuillet tiré de la poche de son veston.
    « Le docteur Tanner s'est montrée d'une extrême ténacité au point qu'elle a dessiné ceci, déclara-t-il en brandissant la feuille arrachée au carnet à dessin. C'est succinct, je l'admets, mais cela ressemble assez à ce que vous m'avez décrit. Qu'en pensez-vous ? »
    Elle s'empara du feuillet pour l'examiner. La forme et les proportions n'y étaient pas, c'était au demeurant assez proche du dessin du labyrinthe qu'elle détenait dans son coffre, à Chartres. Personne d'autre que la