Labyrinthe

démontage des bancs de la cathédrale et du réfectoire des prêtres vont bon train.
    — Bérenger de Rochefort ne doit point s'en réjouir ! sourit le vicomte.
    — L'évêque n'a qu'à s'y soumettre, grommela Pelletier. De grandes quantités de bois sont nécessaires pour la construction des ambans 1 et des cadefalcs 2 . Or, son palais et les cloîtres sont les seules sources de ce matériau qui nous soient données. »
    Raymond-Roger leva les mains en signe de fausse reddition :
    « Je ne contesterai point cette décision, dit-il en souriant. Le fournissement en matériaux est plus important que le confort de notre évêque. Dites-moi, Bertrand, Pierre-Roger de Cabaret est-il arrivé en notre bonne ville ?
    — Pas encore, messire. Bien que nous l'attendions d'un instant à l'autre.
    — Pressez-le de venir me voir, Bertrand. Si cela est possible, je voudrais m'entretenir avec lui avant de réunir les consuls, car ces derniers le tiennent en grande estime. A-t-on du nouveau de Termenès ou de Foix ?
    — Nenni, messire. »
     
    Peu après, Pelletier, mains sur les hanches, se tenait dans la cour d'honneur, satisfait de constater le rapide avancement des travaux de fortifications. Autour de lui, ce n'était que bruits de scie et de marteaux, grondements de charrettes apportant bois, clous et goudron, ronflement des feux dans les forges fonctionnant à plein régime.
    Du coin de l'œil, il aperçut Alaïs qui traversait la cour en courant dans sa direction. Il fronça les sourcils.
    « Pourquoi avez-vous dépêché Oriane pour requérir ma présence ? demanda-t-elle sans ambages.
    — Comment cela ? Je ne vous entends point, s'étonna-t-il.
    — Je visitais mon amie, Esclarmonde de Servian, dans les quartiers sud de la Ciutat , quand Oriane est apparue, suivie de deux soldats, en prétendant être mandée par vous. Disait-elle la vérité ? »
    En prononçant ces mots, elle scrutait le visage de son père pour y déceler une quelconque réaction, mais n'y vit que de la consternation.
    « Je n'ai point aperçu Oriane.
    — Lui avez-vous parlé de sa conduite en votre absence, comme vous me l'aviez promis ?
    — L'occasion ne s'est point présentée.
    — Gardez-vous de la sous-estimer, père. Elle est au fait de certaines choses qui pourraient vous causer grand tort. J'en suis convaincue.
    — Je ne vous permets point d'accuser ainsi votre sœur, s'emporta Pelletier. Cela est…
    — La planchette au labyrinthe appartient à Esclarmonde », l'interrompit Alaïs.
    Pelletier se figea, abasourdi.
    « Comment cela ? Que voulez-vous dire ?
    — Siméon la lui a remise, souvenez-vous. Elle est la gardienne du troisième livre.
    — Cela ne se peut, protesta-t-il avec tant de véhémence qu'Alaïs recula d'un pas.
    — Elle est le troisième gardien, insista-t-elle précipitamment, de crainte de se voir interrompue, la sœur de Carcassona à laquelle Harif faisait allusion dans sa missive, Elle sait également à propos du merel .
    — Est-ce Esclarmonde qui vous l'a dit ? Parce que si c'est le cas, elle…
    — Je ne lui ai point posé la question de façon directe, mais cela tombe sous le sens, paire . Elle est précisément la personne que Harif aurait choisie. Que savez-vous d'elle ?
    — Je connais sa réputation de sagesse, et j'ai toutes les raisons de lui être reconnaissant pour l'affection et l'attention qu'elle vous a démontrées. Elle a un petit-fils, disiez-vous ?
    — Si fait, messire. Il se nomme Sajhë et a onze ans. Esclamonde est originaire de Servian. Elle est venue vivre à Carcassona alors que Sajhë n'était qu'un nourrisson. Cela concorde en tout point avec ce que Siméon vous a rapporté.
    — Messire l'intendant. »
    Ils se retournèrent tandis qu'un serviteur se dirigeait rapidement vers eux.
    « Messire, le seigneur Trencavel requiert instamment votre présence. Pierre-Roger de Cabaret est arrivé dans nos murs.
    — Où est mon valet François ?
    — Je l'ignore, messire. »
    Pelletier lui lança un regard très contrarié.
    — Dites au seigneur Trencavel que je me rends auprès de lui toute affaire cessante, répondit-il sèchement. Puis tâchez de trouver François et faites-lui savoir que je requiers son service. Depuis quelque temps, il n'est jamais où il devrait être. »
    Voyant que son père s'apprêtait à partir, Alaïs le retint par le bras.
    « Parlez au moins à Esclarmonde, et écoutez ce qu'elle a à vous dire. Je prendrai langue avec