Labyrinthe
elle. »
Après avoir hésité, Pelletier concéda enfin :
« J'attendrai la venue de Siméon, en suite de quoi j'irai ouïr votre chère amie. Une dernière chose, ajouta-t-il en s'éloignant : comment Oriane a-t-elle pu savoir où vous vous trouviez ?
— Elle m'aura suivie à la sortie des vêpres. Cependant… » Alaïs venait de comprendre que sa sœur n'aurait jamais pu aller chercher des soldats, puis revenir et faire irruption chez Esclamonde en si peu de temps. « Je ne sais, admit-elle. Mais je suis convaincue que… »
Pelletier s'en était déjà allé. En traversant la cour, elle s'avisa qu'Oriane était hors de vue et en fut soulagée. Puis elle se figea.
Et si elle y était retournée ?
Soulevant ses jupons, elle courut en direction des Lices basses.
Alaïs n'avait pas plus tôt tourné le coin de rue qu'elle comprit que ses craintes étaient fondées. Les volets de la maisonnette ne semblaient tenir que par un fil et la porte avait été arrachée de ses gonds.
« Esclarmonde ! appela-t-elle, alarmée. Êtes-vous céans ? »
En entrant dans la demeure, quelle ne fut pas sa stupéfaction de voir le terrible saccage dont elle avait fait l'objet. Les meubles étaient renversés, les chaises démembrées, le coffre retourné et son contenu répandu sur le sol. Une fumée grise montait des braises que les soldats avaient éparpillées à grands coups de pied.
Montant quelques degrés à l'échelle, Alaïs se rendit compte que la rochelle avait subi le même sort. Paille et plumes jaillies des matelas éventrés jonchaient pêle-mêle le plancher. Des traces de pique et d'épée étaient visibles un peu partout sur les étoffes déchiquetées.
Le pire restait à découvrir. Le réduit où Esclarmonde préparait ses potions n'était plus qu'un amas de pots brisés, de liquides répandus sur la terre battue auxquels se mêlaient, en une innommable bouillie, des bouquets d'herbes et de fleurs séchées.
Esclarmonde était-elle dans sa demeure au moment de sa mise à sac ? Alaïs se précipita à l'extérieur dans l'espoir qu'un voisin lui dirait ce qu'il était advenu de son amie. Mais, autour d'elle, portes et volets demeuraient hermétiquement clos.
« Dame Alaïs… »
Elle crut d'abord être victime de son imagination.
« Dame Alaïs…
— Sajhë ? murmura-t-elle. Où es-tu ?
— Là-haut, dame… »
Alaïs sortit de l'ombre de la maisonnette et leva les yeux. À la lueur crépusculaire, elle reconnut une touffe de cheveux hirsutes et une paire d'yeux ambrés émergeant de la faîtière.
« Sajhë, prends garde de ne pas te rompre le cou !
— Que non pas, répliqua le gamin, rassurez-vous, j'ai l'habitude des toits. Le plus souvent, c'est par là que j'entre et sors du Château comtal !
— Eh bien, descends, tu me donnes le tournis. »
Alaïs retint son souffle, tandis que l'enfant sautait lestement sur le sol pour atterrir devant elle.
« Qu'est-il survenu à Esclarmonde ? Où est-elle ?
— Menina est saine et sauve. C'est elle qui m'a dit de vous attendre. Elle savait que vous reviendriez. »
Après un coup d'œil furtif par-dessus son épaule, la jeune femme l'entraîna vers le seuil de la maison.
« Que s'est-il passé ? » le pressa-t-elle.
Sajhë fixait ses pieds d'un air embarrassé.
« Les soldats sont revenus. J'ai tout entendu de l'extérieur. Menina savait qu'ils le feraient après que votre sœur vous aurait reconduite au château. C'est pourquoi elle a rassemblé en toute hâte ses objets les plus précieux et nous nous sommes cachés dans la cave. Nous les avons entendus interroger les voisins pour savoir où nous étions. Ils marchaient au-dessus de nos têtes en faisant trembler le plancher. Fort heureusement, ils n'ont point découvert la trappe. Ils ont tout brisé. Toutes les potions de menina sont gâchées, conclut-il d'une voix éteinte.
— Je le sais, j'ai vu tout cela, dit doucement Alaïs.
— Ils ne cessaient de vociférer. Ils prétendaient chercher des hérétiques, mais je crois qu'ils mentaient. Ils ne posaient pas les questions habituelles. »
Alaïs lui souleva le menton pour le forcer à la regarder.
« Ceci est très important, Sajhë : étaient-ce les mêmes soldats que ceux qui étaient venus précédemment ? Les astu vus ?
— Je crains que non.
— Tant pis, s'empressa-t-elle d'ajouter, voyant l'enfant au bord des larmes. Tu as fait montre de courage. Ce doit être un grand réconfort pour
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