Labyrinthe
pour lui murmurer quelques mots à l'oreille.
« Que me veut-elle ? demanda-t-il.
— Je ne saurais dire, messire. Ma dame ne me confie point l'objet de ses désirs.
— Vous faites une piètre menteuse, Guirande.
— Avez-vous un message que je doive lui rapporter ?
Il hésita un instant.
« Avertissez votre maîtresse que je la verrai incessamment. Et tâchez de tenir votre langue », conclut-il en lui tendant une pièce de monnaie.
Il la regarda s'éloigner puis, traversant la cour, alla s'asseoir sous l'orme. Rien ne le contraignait à exaucer les vœux d'Oriane. En outre, pourquoi se laisserait-il induire en tentation ? Cela était par trop dangereux. Elle était dangereuse.
Il n'avait jamais souhaité que les choses allassent si loin. Tout cela à cause d'une nuit d'hiver, d'un corps dénudé enveloppé de fourrures, des sangs fouettés par le vin et l'euphorie des retours de chasse. Une sorte de folie s'était emparée de lui. Elle l'avait ensorcelé.
Au matin, il s'était éveillé, taraudé de remords, en se jurant que cela ne se reproduirait plus. Aux premiers mois qui avaient suivi ses épousailles, il avait tenu parole. Puis l'occasion s'était représentée, puis une autre, puis une quatrième. Elle le subjuguait, le retenait captif par les sens.
À cette heure, sachant où en étaient les choses, il se désespérait, chaque jour un peu plus, qu'une indiscrétion fît éclater le scandale. Aussi devait-il se montrer prudent et mettre un terme à cette tocade avec diplomatie. Il n'irait à ce rendez-vous que pour lui signifier la fin de leur liaison.
Pendant qu'il s'en sentait le courage, il se leva et alla au verger. Arrivé au portillon, il s'immobilisa, hésitant à poursuivre plus avant. Puis il la vit, debout sous le saule, mince silhouette dans le jour déclinant. Son cœur bondit dans sa poitrine. Avec ses cheveux de jais répandus sur les épaules, on eût dit un ange noir.
Guilhem inspira profondément. Il pouvait encore s'en retourner. Mais à cet instant, comme si elle percevait ses atermoiements, Oriane fit volte-face et le couvrit de son regard envoûtant. Après avoir ordonné à son écuyer de surveiller l'alentour, il poussa le portillon et se dirigea vers elle.
« Je craignais de ne point vous voir venir, lui dit-elle quand il l'eut rejointe.
— Je ne puis m'attarder. »
Il sentit alors les doigts d'Oriane effleurer les siens, puis lui saisir doucement le poignet.
« Alors, je vous demande pardon de vous avoir dérangé, murmura-t-elle en se serrant contre lui.
— Quelqu'un pourrait nous voir », souffla-t-il en tentant de se détacher d'elle.
Oriane inclina la tête. Ses parfums capiteux éveillèrent chez Guilhem une flambée de désir qu'il tenta d'ignorer.
« Pourquoi êtes-vous si cruel envers moi ? demanda-t-elle langoureusement. Nul ne peut nous voir. J'ai placé une domestique à l'entrée du verger. En outre, les gens du château sont bien trop à leurs affaires pour nous prêter attention.
— Ils ne le sont point autant que vous le pensez, objecta-t-il. Chacun observe, épie, écoute son voisin, en espérant tirer quelque avantage de ce qu'il pourrait apprendre.
— Que de méchantes pensées vous avez là, murmura-t-elle en lissant ses cheveux. Oubliez tout le reste, et ne pensez qu'à moi. » Oriane était si proche qu'il percevait les battements de son cœur. « Pourquoi tant de froideur à mon endroit, messire ? Ai-je tenu des propos qui vous aient offensé ? »
Les sens en ébullition, du Mas sentait s'effriter ses bonnes résolutions.
« Nous commettons un péché, Oriane, vous ne pouvez l'ignorer. Nous trahissons votre époux et mon épouse par notre…
— Amour ? l'interrompit-elle avec un petit rire clair qui lui chavira le cœur. L'amour n'est pas un péché, car il a la vertu de rendre bon ce qui mauvais, et meilleur ce qui est bon s'il faut en croire les troubadours. »
Du Mas se surprit à entourer de ses mains le visage de la jeune femme.
« Cela n'est que chanson. Les vœux qui nous lient vous et moi participent d'un tout autre propos. À moins que vous ne vous soyez méprise sur mes intentions ? » Il prit une profonde inspiration. « J'essaie de vous dire qu'il ne faut plus nous revoir. »
Oriane se tint alors immobile dans ses bras.
« Ainsi, vous ne me désirez plus, messire, murmura-t-elle à travers l'écran de cheveux qu'elle laissait à dessein retomber sur son visage.
— De grâce…,
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