Labyrinthe
Esclarmonde que de t'avoir à ses côtés. Sais-tu si quelqu'un accompagnait ces soldats ?
— Je ne le pense pas, répondit l'enfant d'un air malheureux. Je n'ai pas pu les empêcher de saccager notre demeure. »
Alors que la première larme coulait sur sa joue, Alaïs l'entoura de son bras.
« Allons, allons, ne te mets pas en peine, tu as fait de ton mieux, et aussi bien que n'importe qui d'entre nous. Où se trouve Esclarmonde, à présent ?
— Dans une maison, à Sant-Miquel. Elle dit que nous devons y rester et attendre que vous nous annonciez la visite de l'intendant Pelletier. »
Alaïs se raidit.
— Est-ce bien ce qu'Esclarmonde a dit, Sajhë ? Qu'elle attend un message de mon père ?
— Pourquoi ? Se serait-elle fourvoyée ? demanda l'enfant, troublé.
— Nenni, nenni, c'est que je ne vois point comment… Peu importe, Sajhë. Mon père ne souhaite point voir ta grand-mère avant de s'être entretenu avec un autre… ami venu de Besièrs.
— Siméon », acquiesça Sajhë.
Alaïs ne cacha pas son étonnement.
« En effet, Siméon, souriait-elle, maintenant. Dis-moi, Sajhë, y a-t-il quelque chose que tu ignores ? »
L'enfant parvint à sourire.
« Peu de chose.
— Préviens Esclarmonde que j'aviserai mon père de ce qu'il est advenu de votre demeure. En attendant, il serait bon que ta grand-mère et toi demeuriez à Sant-Miquel. »
En guise de réponse, Sajhë la prit par la main.
« Vous le lui direz vous-même. Elle sera heureuse de vous voir. Ainsi, vous pourrez bavarder longuement. Menina affirme aussi que vous avez dû départir alors que vous aviez encore maintes choses à vous révéler. »
Alaïs se pencha sur le regard ambré, brillant d'enthousiasme, du garçon.
« Viendrez-vous ? insista-t-il.
— Pour te voir, Sajhë ? Bien entendu. Point maintenant, toutefois, c'est par trop dangereux. Je vous ferai parvenir un mot. »
Sajhë acquiesça, puis disparut aussi vite qu'il était apparu.
« Deman al vèspre », lança-t-il.
1. Passages couverts.
2. Barricades mobiles. (N.d.T.)
37
Jehan Congost avait à peine entr'aperçu son épouse après son retour de Montpellier. Oriane ne l'avait pas accueilli comme il était en droit d'attendre, n'exprimant ainsi aucun regret quant aux épreuves et aux indignités qu'elle lui avait infligées. De son côté, Congost n'avait rien oublié de sa conduite avilissante, dans leur chambre, peu avant son départ.
Grommelant dans sa barbe, il traversa la cour à grandes enjambées pour gagner ses appartements. Le secrétaire de Pelletier venait à sa rencontre. Encore un en qui il n'avait nulle confiance tant il le croyait imbu de ses prérogatives, toujours en train de fureter çà et là pour rapporter à son maître ce qu'il voyait ou entendait. À preuve, sa présence incongrue dans les appartements, à cette heure de la journée.
Quand François lui adressa un salut, l' escrivan l'ignora superbement.
Au moment où il atteignit son logis, son état d'indignation était à son comble. Le temps était venu de donner une leçon à Oriane. Une désobéissance aussi délibérée que provocatrice ne pouvait rester impunie, aussi fit-il irruption dans la chambre sans se donner la peine de frapper.
« Oriane, où êtes-vous ? J'ai à vous parler. »
Les lieux étaient déserts. De colère, il balaya la table de tout ce qui s'y trouvait. Les bols volèrent, le chandelier alla se fracasser sur le sol. Ouvrant les coffres, il en sortit des brassées de vêtements qu'il lança à travers la pièce. Pour finir, il arracha les couvertures du lit, libérant des odeurs inappropriées.
Furieux, Congost s'affala sur une chaise et contempla son œuvre. Toute la faute en revenait à Oriane. Seule son intolérable conduite était cause de ce gâchis.
Il se mit à la recherche de Guirande pour lui ordonner de ranger la chambre, tout en se demandant par quelles voies il pourrait mettre bon ordre à sa calamiteuse union.
Guilhem sortit des étuves dans un air saturé d'humidité pour se heurter à Guirande qui l'attendait, un sourire posé sur ses lèvres purpurines. Son humeur s'en trouva aussitôt affectée.
« Que voulez-vous ? »
La servante fit entendre un gloussement et se mit à l'observer à travers ses paupières à demi fermées.
« Eh bien ? ajouta-t-il d'une voix âpre. Si vous avez quelque chose à dire, dites-le ou bien passez votre chemin. »
En réponse, Guirande se hissa sur la pointe des pieds
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