Labyrinthe
de la famille en vie, encore moins une demi-sœur. J'avais l'impression que mes parents étaient tous deux enfants uniques. Du reste, je n'ai jamais vu le moindre oncle ou la moindre tante partager avec nous un Noël ou un anniversaire. »
Karen compulsa ses notes :
« Vous les avez perdus depuis un certain temps.
— Ils sont morts dans un accident de voiture, en 1993, quand j'avais dix-huit ans, juste avant que j'intègre l'université.
— Cela a dû être dramatique. »
Qu'ajouter ? Alice acquiesça.
« Vous n'avez ni frères ni sœurs ?
— Je présume que mes parents s'y sont pris un peu tard. À ma naissance, ils avaient déjà quarante ans passés.
— Bien. Étant donné les circonstances, je crois préférable de faire simplement état des biens immobiliers ayant appartenu à votre tante, et de vous instruire de ses dernières volontés. Cela fait, nous pourrons aller voir la maison si vous le souhaitez. Elle se trouve à Sallèles-d'Aude, à environ une heure de voiture d'ici.
— Cela me convient parfaitement.
— Ce que nous avons là, poursuivit le clerc en consultant le dossier, sont les informations habituelles, noms, dates, etc. Je suis convaincue que vous vous représenterez mieux sa personnalité quand vous aurez vu la maison et ses affaires. Ensuite, vous pourrez décider de ce que vous voulez faire de cet héritage. Combien de temps comptez-vous rester parmi nous ?
— Jusqu'à dimanche, en principe ; mais j'ai envie de prolonger mon séjour. Rien de bien urgent ne me contraint à regagner l'Angleterre. »
Karen opina de la tête, tout en se replongeant dans son dossier.
« Commençons par un récapitulatif succinct : Grace Alice Tanner était donc la demi-sœur de votre père. Elle est née à Londres, en 1912, elle est la dernière et unique survivante de cinq enfants. Ses deux sœurs sont mortes en bas âge, et ses deux frères ont été tués au cours de la Première Guerre mondiale. Sa mère est décédée, voyons… » Karen fouilla dans ses papiers. « En 1928 des suites d'une longue maladie, ce qui provoqua l'éclatement de la famille. Grace avait entre-temps quitté le domicile de ses parents et son père avait quitté la région pour se remarier. De ce second mariage est né, l'année suivante, votre père. D'après les documents que je détiens, il y eut peu ou pas de contact entre Mlle Tanner et son père, votre grand-père paternel.
— J'ignorais tout cela. À votre avis, mon père savait-il qu'il avait une demi-sœur ?
— Aucune idée. Je suppose que non.
— En revanche, Grace avait entendu parler de lui, non ?
— En effet. Comment elle l'a appris, je l'ignore aussi. Mieux encore, votre existence ne lui était pas inconnue. À telle enseigne qu'elle a modifié son testament en 1993, après la mort de vos parents, en vous désignant comme unique légataire. Entre-temps, elle avait vécu quelques années en France. »
Alice fronça les sourcils.
« Si elle connaissait mon existence et le décès de mes parents, je ne comprends pas qu'elle ne se soit pas manifestée.
— Il est possible qu'elle ait craint d'être mal reçue. Comme nous ignorons les raisons qui ont provoqué l'éclatement de la famille, on peut supposer qu'elle a peut-être cru que votre père vous avait montée contre elle. Dans des cas de ce genre, l'on présume souvent – parfois avec raison – que toute tentative de réconciliation serait vouée à l'échec. Une fois les relations rompues, les dégâts sont souvent difficiles à réparer.
— Ce n'est pas vous qui avez enregistré ses dernières volontés, n'est-ce pas ?
— Non, répondit Karen, cela s'est passé bien avant mon arrivée. Mais, j'ai eu un entretien avec le clerc en question. Bien qu'à la retraite, il se rappelle très bien votre tante. C'était une femme pragmatique, sans manières ni sensiblerie, qui savait exactement ce qu'elle voulait, en l'espèce, vous léguer la totalité de ses biens.
— Vous ne connaissez donc pas les raisons qui l'ont poussée à venir habiter la région…
— Je crains que non. De notre point de vue, l'affaire est relativement claire. C'est pourquoi, comme je vous le disais, il serait bon que vous alliez visiter la maison. Si vous entendez prolonger votre séjour, je vous invite à nous retrouver dans la semaine. Demain et vendredi, je suis retenue au palais de justice, mais je serai heureuse de vous accompagner samedi, si cela vous agrée. » Le clerc se leva, main
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