Labyrinthe
fait.
S'éloignant de quelques pas, il s'assura qu'on ne pouvait l'entendre.
Être si près de la grotte sans y entrer le rendait furieux. Il porta la main à la croix pendue à son cou, comme pour exorciser le mal dont les lieux étaient imprégnés.
« Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit », dit-il en se signant. Il attendit que sa respiration redevînt normale, puis appela son bureau.
« Alors, qu'avez-vous trouvé ? »
Tandis qu'il écoutait, la satisfaction se peignit sur son visage.
« À l'hôtel ? Se sont-ils parlé ? Très bien, ne la lâchez pas et surveillez bien ses agissements. »
Un sourire aux lèvres, il coupa la communication. Encore une chose à porter sur la liste des questions qu'il comptait poser à O'Donnell.
Étonnamment, sa secrétaire n'avait obtenu que peu d'éléments au sujet de Baillard : l'individu ne possédait ni voiture ni passeport. Il ne figurait même pas sur les listes d'état civil. Pas de numéro de téléphone ni de sécurité sociale. Officiellement, il n'existait pas. C'était un homme sans passé.
L'idée lui effleura l'esprit que Baillard pouvait être un membre déchu de la Noublesso Véritable . Son grand âge, ses antécédents, son intérêt pour l'histoire cathare et sa connaissance des hiéroglyphes le rattachaient à la trilogie du labyrinthe.
Authié savait qu'il existait une relation entre Baillard et la chambre funéraire. Il ne restait plus qu'à la définir. N'eût été le fait qu'il ne possédait pas encore les manuscrits, il aurait détruit la grotte séance tenante, sans la moindre hésitation. Il était l'instrument de Dieu par qui quarante siècles d'hérésie seraient éradiqués de la surface de la Terre. Il n'agirait que lorsque les livres sacrilèges auraient regagné la grotte. Dès lors, il livrerait tout et chacun aux flammes de l'enfer.
La pensée qu'il ne lui restait que deux jours pour trouver les manuscrits l'incita à passer à l'action. Une lueur déterminée au fond de son regard gris, il donna un nouveau coup de fil.
« Demain matin, dit-il laconiquement. Tenez-la prête. »
Audric Baillard n'entendait que le pas de Jeanne Giraud marchant silencieusement à ses côtés dans les couloirs de l'hôpital de Foix.
Le linoléum était gris, tout le reste blanc : les vêtements, les uniformes, les murs et même les semelles de chaussures. Effondré, échevelé, le capitaine Noubel arpentait les abords de la zone stérilisée, l'air d'être resté plusieurs jours sans changer de chemise.
Une infirmière poussait un chariot dans leur direction, ses roues couinant douloureusement dans le silence ambiant. Ils s'effacèrent pour la laisser passer, ce dont elle les remercia par un hochement de tête muet.
Jeanne était traitée avec des égards particuliers et Baillard le voyait bien. À la compassion qu'on lui témoignait, indubitablement sincère, se mêlait l'inquiétude à propos de la façon dont elle accuserait le choc. Il lui adressa un pâle sourire. Les jeunes avaient souvent tendance à oublier que Jeanne en avait vu bien plus qu'eux : la Guerre, l'Occupation, la Résistance. Elle était de ceux qui s'étaient battus, qui avaient tué des ennemis et vu mourir leurs proches. De ces gens endurcis que rien ne pouvait surprendre, sauf, peut-être, les ressorts insoupçonnables de l'esprit humain.
Noubel s'immobilisa devant une large porte qu'il ouvrit aussitôt pour leur livrer passage. Un air frais, accompagné d'une puissante odeur de désinfectant, leur frappa les narines. Baillard ôta son chapeau pour le tenir contre sa poitrine.
On avait débranché toutes les machines. Au centre de la chambre, dans un lit installé sous la fenêtre, reposait un corps entièrement recouvert d'un drap blanc.
« Tout ce qui est humainement possible a été tenté, murmura Noubel.
— Mon petit-fils a-t-il été assassiné, inspecteur ? »
C'étaient les premiers mots que Jeanne prononçait depuis qu'on lui avait appris qu'elle arrivait trop tard.
Baillard vit le policier se tordre nerveusement les mains.
« C'est trop tôt pour le dire, madame Giraud, cependant…
— Cette mort vous apparaît-elle comme suspecte, oui ou non, inspecteur ?
— Oui.
— Merci, dit-elle d'une voix atone. C'est tout ce que je voulais savoir.
— Si vous n'avez pas d'autres questions, déclara Noubel en allant vers la porte, je vous laisse vous recueillir auprès de votre petit-fils. Et si vous avez besoin de moi, je serai
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