Labyrinthe
d'avoir invité Alice au pic de Soularac. Puis, quand Yves Biau l'avait contactée et qu'il avait comparé leur version de l'histoire… Le nœud qui lui serrait la poitrine se fit plus douloureux.
S'il arrivait malheur à Alice, ce serait de sa faute.
Ils atteignirent le bâtiment de ferme, construction de taille moyenne, cernée d'annexes délabrées, d'un garage et d'une cave vinicole. La peinture de la porte et des fenêtres s'écaillait au soleil près d'ouvertures béantes. À part deux voitures garées sur le devant, les lieux semblaient totalement abandonnés.
À l'entour ce n'était que montagnes et vallées. Au moins était-elle encore dans les Pyrénées. Cela lui redonna espoir.
La porte d'entrée était ouverte comme s'ils étaient attendus. À l'intérieur, régnait une agréable fraîcheur dans un décor d'auberge ou de gîte rural. Une pellicule de poussière recouvrait un comptoir de réception au-dessus duquel était accroché un panneau muni de crochets qui, selon toute apparence, avaient porté des clés.
L'homme tira sur la corde pour l'inciter à se hâter. De près, il empestait la sueur, le tabac gris et l'après-rasage bon marché. Shelagh perçut des voix en provenance d'une pièce, sur sa gauche. La porte était légèrement entrebâillée. Un coup d'œil à la dérobée lui révéla la présence d'un homme debout devant une fenêtre, lui tournant le dos. Chaussures de cuir rutilantes et pantalon de lin.
Elle fut forcée de monter l'escalier, puis de suivre un couloir, avant d'être entraînée vers un autre escalier, plus étroit, débouchant sur un grenier qui occupait la quasi-totalité de la surface du bâtiment.
Il y avait une porte accédant à l'avant-toit, dont l'homme tira les verrous avant de la pousser avec rudesse à l'intérieur d'un réduit. Shelagh tomba pesamment, heurtant le sol du coude, pendant que son geôlier refermait le ventail derrière lui. Malgré la douleur, elle s'élança et se mit à le marteler de ses poings, en poussant des cris désespérés. En vain. La porte était solide et des équerres de métal en renforçaient les coins.
De guerre lasse, elle inspecta les lieux. Il y avait un matelas contre un mur, sur lequel on avait posé une couverture. Face à la porte, une petite fenêtre armée de barreaux. Shelagh traversa la pièce et comprit qu'elle se trouvait à l'arrière de la maison. Éprouvant la solidité des barreaux, elle se rendit compte qu'ils étaient profondément scellés et qu'ils décourageaient toute tentative d'évasion. Même dans le cas contraire, la fenêtre était bien trop haute pour lui permettre de sauter.
Dans un coin de la pièce se trouvait un minuscule lavabo. Elle s'y soulagea et, après des efforts répétés, parvint à ouvrir le robinet. La tuyauterie trembla, toussa comme un fumeur invétéré puis, après quelques faux départs, un mince filet d'eau apparut. Les mains en coupe, elle but à grandes gorgées jusqu'à en avoir des crampes d'estomac. Elle fit ensuite un semblant de toilette, et lava les croûtes de sang séché autour de ses chevilles et de ses poignets.
Un peu plus tard, son geôlier lui apporta à manger. Plus généreusement que ce à quoi elle s'attendait.
« Pourquoi me retenez-vous ici ? Pourquoi je suis là ?
— Il te le dira, rétorqua l'homme en posant le plateau au milieu de la pièce.
— Qui veut me parler ? »
Il fit un geste vers le plateau de nourriture.
« Mange.
— Il faudra que vous me détachiez. Qui ? » répéta-t-elle.
En réponse, l'homme poussa le plateau du pied.
« Mange… »
L'individu parti, Shelagh se jeta sur son repas, dont elle ne laissa rien, pas même un pépin de pomme. Puis elle alla se poster devant la fenêtre. Les rayons du soleil fusaient audessus de la cime des montagnes, illuminant le paysage.
Elle entendit au loin le bruit d'une voiture qui se rapprochait lentement de la ferme.
42
Les indications de Karen étaient exactes. Une heure après avoir quitté Carcassonne, Alice se retrouva dans les environs de Narbonne. Elle suivit les panneaux indicateurs en direction de Cuxac-d'Aude et de Capestang par une route pittoresque bordée de roseaux et de hautes herbes ondulant sous le vent et abritant des champs cultivés. Le paysage lui apparut très différent des montagnes de l'Ariège ou des garrigues des Corbières.
Quand elle parvint à Sallèles-d'Aude, il était presque deux heures. Elle se gara sous les tilleuls et les platanes qui se
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