Labyrinthe
Marie-Cécile se lever pour faire pivoter un tableau accroché au mur derrière le bureau. C'était sa toile préférée, lui avait-elle confié aux premiers jours de leur liaison. On y voyait des soldats de Bonaparte admirant les obélisques et les mastabas de l'Égypte antique. « En train de contempler les sables du temps, 1798 », se rappela-t-il.
Derrière la toile se trouvait un coffre-fort scellé dans le mur auquel était adjoint un pavé numérique qui en commandait l'ouverture. Marie-Cécile tapa six chiffres et la porte émit un déclic. De l'intérieur du coffre, elle tira deux emballages noirs qu'elle déposa avec soin sur le bureau. Will changea de position, désespérant de voir ce qu'ils contenaient, fasciné au point de ne pas entendre des pas dans son dos.
« Ne bougez pas.
— François-Baptiste, je… »
Will éprouva la pression d'une arme contre ses côtes.
« Et gardez vos mains bien en vue. »
Il voulut se retourner quand, l'empoignant par la nuque, François-Baptiste lui heurta violemment le visage contre le mur.
« Que se passe-t-il ? » lança Marie-Cécile.
Le jeune homme réitéra son geste.
« Je m'en occupe », répondit-il.
Pour la énième fois, Alice consulta sa montre-bracelet.
Il ne viendra pas.
Elle se tenait dans la réception de l'hôtel, les yeux fixés sur les portes vitrées comme pour exhorter Will à apparaître. Presque une heure s'était écoulée depuis qu'elle avait quitté la rue du Cheval-Blanc. Elle était désemparée. Son portefeuille, son téléphone et ses clés de voiture se trouvaient dans la poche de sa veste. Toutes ses autres affaires se trouvaient dans son sac à dos.
Aucune importance. Fiche le camp d'ici.
Plus le temps passait, plus ses doutes grandissaient quant aux motivations de Will, au fait qu'il fût apparu comme par magie. Alice retraça mentalement la chronologie des événements.
Leur rencontre inopinée était-elle vraiment due à une coïncidence ? Elle n'avait pourtant dit à personne qu'elle se rendait à Chartres.
Comment aurait-il su ?
À huit heures et demie, elle décida qu'elle avait suffisamment attendu. À la réceptionniste, elle expliqua qu'elle n'avait plus besoin de la chambre. Et, après avoir griffonné un mot à l'intention de Will en communiquant son numéro de téléphone portable, elle partit.
C'est en jetant sa veste sur le siège passager qu'elle remarqua l'enveloppe qui dépassait de la poche. La lettre qu'on lui avait remise à l'hôtel et dont elle avait oublié l'existence. Elle la posa sur le tableau de bord de la voiture en se promettant d'en prendre connaissance à la première pause.
La nuit tombait alors qu'elle faisait route vers le Sud. Les phares des véhicules venant en sens inverse l'éblouissaient, lui brouillaient l'esprit. Tels des fantômes, arbres et fourrés surgissaient de l'obscurité. Orléans, Poitiers, Bordeaux… les panneaux défilaient.
Repliée dans son monde clos, Alice se posait au fil des kilomètres les mêmes questions. Chaque fois, elle leur trouvait une réponse différente.
Pourquoi ? Pour sa propre gouverne. Chose certaine, elle leur avait mis entre les mains tout ce qu'ils attendaient : ses notes, ses dessins, la photographie de Grace et de Baillard.
Il t'avait promis de te montrer la chambre au labyrinthe.
Elle n'en avait rien vu. Si ce n'est une image dans un livre. Alice secoua la tête. Elle refusait d'y croire.
Alors, pourquoi l'avait-il aidée à s'enfuir ? Parce qu'il avait eu ce qu'il voulait ou, tout du moins, ce que Mme de l'Oradore voulait.
Afin qu'ils puissent te suivre.
56
Carcassona
A GOST 1209
Les Français attaquèrent Sant-Vicens à l'aube du troisième jour du mois d'août. C'était un lundi.
Alaïs escalada les échelles de la tour du Major pour rejoindre son père sur le chemin des remparts. Elle chercha des yeux Guilhem dans la multitude, mais ne le vit point.
À présent, couvrant le ferraillement des épées et les cris des soldats se portant à la défense des murailles basses, elle entendait s'élever un chant descendu dans la plaine des hauteurs de la colline de Gravèta ;
Veni creator spiritus
Mentes tuorum visita !
« Les prêtres ! s'exclama Alaïs, consternée. Ils chantent le Seigneur quand ils viennent nous trucider ! »
Le bourg commençait à brûler. Alors qu'au-delà des murs bas, s'élevait la fumée des maisons incendiées, humains et animaux fuyaient, apeurés, dans toutes les
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