Labyrinthe
ils le lui ont pris. Menina l'avait sur elle en allant au quartier juif. Je l'ai vu l'emporter.
— Ne reste plus qu'un seul manuscrit, bredouilla Alaïs, en retenant un sanglot. Ainsi, tout est perdu. Nos efforts ont été vains. »
Les cinq jours qui suivirent, ils vécurent une étrange existence.
Alaïs et Sajhë s'aventurèrent à tour de rôle dans les rues à la faveur de la nuit. Il apparut que, selon toute vraisemblance, il n'existait aucun moyen de quitter Carcassonne sans être aperçu. Le siège ne comportait aucune faille. Chaque poterne, chaque porte, chaque tour étaient gardées par des soldats armés jusqu'aux dents. Catapultes et trébuchets pilonnaient les murs jour et nuit sans désemparer, tant et si bien que les habitants de la Cité ne savaient plus s'ils entendaient le bruit des projectiles ou s'ils les imaginaient.
C'était un soulagement que de regagner les tunnels humides où le temps était immobile car absent de lumière tout autant que d'obscurité.
61
Guilhem se tenait à l'ombre du grand orme qui trônait au centre de la cour d'honneur.
Sur les instances d'Arnaud Amalric, le comte d'Auxerre avait chevauché jusqu'à la porte Narbonnaise et offert un sauf-conduit aux fins de parlementer. Fort de cette étonnante proposition, le vicomte Trencavel avait retrouvé son optimisme naturel. Cela semblait évident eu égard à l'expression de son visage et la manière dont il s'adressait aux gens de sa maison, ses espérances et sa grandeur d'âme allant jusqu'à déteindre sur les personnes qui l'entendaient.
Les raisons de ce soudain revirement chez l'abbé de Cîteaux prêtaient à controverse. Les croisés n'avaient guère gagné de terrain, encore que le siège n'eût commencé que depuis un peu plus d'une semaine, ce qui n'était, à vrai dire, rien. Les motifs de l'abbé revêtaient-ils quelque importance ? Trencavel prétendait que non.
Guilhem écoutait à peine, emprisonné dans l'inextricable écheveau de ses agissements sans y voir d'issue, que ce fût par le truchement des mots ou celui de l'épée. Il marchait sur le fil du rasoir. Alaïs avait disparu depuis cinq jours. Il avait eu beau dépêcher quelques discrets informateurs à la Cité et au Château comtal, il n'était pas près de savoir où Oriane retenait sa sœur captive. Sa duplicité se retournait contre lui. Il avait fort bien compris, hélas trop tard, à quel point Oriane avait adroitement préparé le terrain. S'il n'exécutait pas ce qu'elle exigeait de lui, elle le dénoncerait comme félon, et Alaïs en pâtirait.
« Or donc, amis, conclut Trencavel, lequel d'entre vous m'accompagnera dans ce voyage ? »
Guilhem sentit le doigt qu'Oriane lui enfonçait rudement dans les côtes, et s'avança aussitôt d'un pas pour s'agenouiller, la main sur la garde de son épée pour proposer ses bons offices. La honte lui mit le feu aux joues quand Raymond-Roger lui tapa sur l'épaule pour lui exprimer sa gratitude.
« Vous avez droit à toute notre reconnaissance, Guilhem. À présent, qui vous accompagnera ? »
Six autres chevaliers suivirent son exemple. Se glissant entre eux, Oriane alla révérencieusement s'incliner devant le vicomte.
« Avec votre permission, messire. »
Congost n'avait pas remarqué son épouse perdue dans la foule des hommes. Il rougit violemment et, décontenancé, agita les bras comme pour chasser d'un champ un invisible vol de corbeau.
« Retirez-vous, dame, martela-t-il de sa voix aiguë. Ici n'est point votre place. »
Oriane ignora d'autant plus la semonce que le vicomte l'invitait à approcher.
« Qu'avez-vous à nous dire, dame ?
— Pardonnez-moi, messire, honorables chevaliers et amis… mon époux. Avec votre permission et par la grâce de Dieu je requiers le privilège de me joindre à votre délégation. J'ai déjà perdu un père et, semblerait-il, une sœur également. Pareille douleur est un faix lourd à porter aussi, si mon époux m'y autorise, j'aimerais, par cet acte, racheter cette perte et vous témoigner mon attachement, messire. C'est ce que mon père eût souhaité. »
Congost, lui, eût aimé que la terre s'ouvrît sous ses pieds et qu'elle l'avalât tout entière. Le vicomte ne cachait pas sa surprise, cependant que Guilhem gardait le front piteusement baissé.
« Sauf votre respect, dame Oriane, ceci ne relève point des compétences d'une femme.
— Dans ce cas, je me propose comme otage volontaire, messire. Ma présence
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