Labyrinthe
démontrera l'honnêteté de vos intentions, indication claire s'il en est, que Carcassona respectera les termes de l'accord à venir. »
Trencavel réfléchit un instant avant de s'adresser à Congost :
« Elle est votre épouse. Pouvez-vous l'y autoriser pour notre cause ? »
Congost atermoyait en essuyant consciencieusement ses mains moites sur sa tunique. Il eût aimé opposer une fin de non-recevoir, sinon qu'aux yeux du vicomte, la proposition d'Oriane ne manquait pas de panache.
« Mon désir le plus cher est de vous servir », bredouilla-t-il.
Trencavel invita Oriane à se relever.
« Votre défunt père, et mon très estimé ami, eût été fier de vous, ce jour d'hui. »
La jeune femme l'observa à travers ses longs cils noirs.
« Me permettrez-vous d'emmener le serviteur François avec moi. Lui aussi, unis comme nous le sommes pour pleurer un homme si méritant, serait heureux de servir la cause de Carcassona. »
Pour Guilhem, écœuré à l'extrême, il était inconcevable que l'assistance pût être convaincue par les démonstrations d'amour filial d'Oriane. Or, c'était le cas. Les visages affichaient une égale admiration. Hormis Congost et lui-même qui connaissaient sa perfidie, toutes les personnes présentes étaient dupes, fascinées par sa beauté et ses paroles mielleuses, tout comme il l'avait été.
Nauséeux jusqu'au tréfonds de l'âme, Guilhem dirigea son regard vers François qui, impassible, attendait non loin.
« Si vous pensez que cela puisse servir notre cause, vous avez ma permission, dame, répondit le vicomte.
— La grand merci, messire, dit-elle en s'inclinant révérencieusement.
— Que l'on prépare les montures. »
Oriane avait à cœur de se tenir près de Guilhem, alors qu'ils chevauchaient dans la campagne dévastée vers la tente du comte de Nevers où devaient se tenir les négociations. Ceux qui en avaient encore la force étaient montés sur les murs de la Cité et regardaient, silencieux, la troupe s'éloigner.
À peine étaient-ils entrés dans le camp qu'Oriane s'éclipsa. Ignorant les objurgations des soldats, elle suivit François à travers un dédale de tentes colorées, jusqu'à ce qu'ils eussent atteint celle de Chartres, dressée un peu à l'écart, aux oriflammes vertes et argentées.
« Par là, dame », murmura François en désignant l'endroit.
À leur approche, les soldats se tinrent sur le qui-vive et croisèrent leurs piques pour en interdire l'entrée. Reconnaissant le domestique, l'un d'eux lui adressa un hochement de tête.
« Dis à ton maître que dame Oriane, fille de feu l'intendant de Carcassona, demande audience auprès du seigneur d'Évreux. »
Oriane savait combien le risque était grand d'entreprendre une telle démarche. François lui avait décrit sa cruauté et son caractère ombrageux. Les enjeux étaient de taille.
« À quel propos ? voulut savoir le soudard.
— Ma maîtresse entend parler au seigneur d'Évreux et à nul autre. »
L'homme hésita, puis s'engouffra dans la tente. Il réapparut quelques instants plus tard pour les inviter à les suivre.
La première vision qu'eut Oriane de Guy d'Évreux ne dissipa en rien ses craintes. Quand elle entra dans la tente, il lui tournait le dos. Il fit aussitôt volte-face. Avec ses yeux d'un gris ardoise au regard fulgurant, ses cheveux noirs coiffés en arrière à la française, il avait l'air d'un faucon prêt à fondre sur sa proie.
« J'ai maintes fois entendu parler de vous, dame, commença-t-il d'un ton calme où perçait une froideur métallique. Je ne m'attendais point au plaisir de vous encontrer personnel-lement. Que puis-je pour vous ?
— J'aimerais qu'il soit davantage question de ce que moi, je puis faire pour vous, monseigneur », répondit-elle.
Elle n'eut même pas le temps de se rendre compte qu'Évreux l'avait saisie par le poignet.
« Je ne saurai trop vous conseiller de ne point jouer les finaudes avec moi, dame Oriane. Vos façons de paysanne du Sud n'ont point cours en ces lieux. Avez-vous quelque chose à m'apprendre, oui ou non ? À présent parlez. »
Oriane, sentit que François, debout derrière elle, s'efforçait de ne pas réagir.
« Que voilà une méchante façon de recevoir une personne qui apporte ce que vous désirez par-dessus tout », déclara-t-elle en soutenant le regard du comte.
Ce dernier leva un bras menaçant.
« Je pourrais tout aussi bien vous rouer de coups, plutôt que d'attendre
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