Labyrinthe
connaît sa présence en ces lieux, elle ne s'attend point à encontrer d'obstacle. »
Guilhem s'interrompit.
« Oriane est… Pour entrer en possession de la trilogie du labyrinthe, elle a menti, assassiné, trahi son père et sa sœur. Elle s'est damnée pour ces livres.
— Assassiné, dites-vous ?
— Jehan Congost, son premier époux. Même si elle ne l'a point fait de sa propre main.
— François… » murmura Sajhë, trop bas pour que Guilhem l'entendît.
Une bribe de souvenir. Les cris, le piétinement désespéré du cheval pendant que l'homme et l'animal s'enlisaient dans les sables mouvants.
« En outre, j'ai toujours été convaincu qu'elle portait la responsabilité de la mort d'une femme très chère au cœur d'Alaïs, continua Guilhem. Après si longtemps, son nom ne me revient pas, mais c'était une femme d'une grande sagesse, qui vivait à la Ciutat . Alaïs apprit tout d'elle à propos de médication, comment faire bon usage des dons de la nature. Elle lui vouait une grande affection. »
Seule son obstination interdisait à Sajhë de révéler sa véritable identité. Seuls son entêtement et sa jalousie l'empêchaient de tout lui révéler sur son existence auprès d'Alaïs.
« Esclarmonde n'est point morte ainsi, avoua-t-il, incapable de simuler plus longtemps.
— Que voulez-vous dire ? Alaïs le savait-elle ?
— En abandonnant le Château comtal, c'est à elle et son petit-fils qu'Alaïs se consacra. Elle quitta… »
La voix d'Oriane, glaciale et péremptoire mit un terme à ces révélations. Les deux hommes, combattants des montagnes chevronnés, se plaquèrent sur le sol. Après avoir tiré leur épée sans un bruit, ils prirent position près de l'entrée de la grotte : Sajhë légèrement en contrebas, derrière un amoncellement de rochers, Guilhem à la faveur d'un buisson d'aubépines, leurs branches hérissées de piquants brandis comme une menace.
Les voix se rapprochaient. Ils entendaient le bruit métallique de leurs bottes, de leur haubert et de leurs harnais, pendant qu'ils escaladaient le sentier rocailleux.
Sajhë avait l'impression de cheminer en même temps que Bertrande. Chaque instant prenait des allures d'éternité, le bruit de pas, l'écho des voix se répétant indéfiniment sans jamais se rapprocher.
Deux silhouettes apparurent enfin du sous-bois. Oriane et Bertrande. Comme Guilhem l'avait présumé, elles étaient seules. Ce dernier le regarda avec insistance afin de l'exhorter à ne pas faire de mouvement, d'attendre qu'Oriane fût à portée de leurs coups, afin de délivrer Bertrande en toute sécurité.
À mesure qu'elles se rapprochaient, Sajhë serrait les poings pour contenir un rugissement de colère. L'enfant portait une entaille à la joue, écarlate sur son visage blafard. Autour du cou, Oriane lui avait passé une corde qui descendait le long du dos pour lui ligoter les poignets, et qu'elle tenait de la main gauche comme un licou. L'autre brandissait une dague dont elle se servait comme un aiguillon pour inciter l'enfant à avancer.
Bertrande marchait d'un pas mal assuré, en trébuchant fréquemment. En y regardant de plus près, il remarqua à travers ses jupons qu'elle avait aussi les chevilles entravées. La portion de corde qui les séparait ne faisait guère plus d'un pas.
Sajhë s'obligea à rester immobile, observant, attendant qu'elles eussent atteint l'espace ouvert qui s'étendait juste en dessous de l'entrée de la grotte.
« Tu disais qu'elle se trouvait juste après les arbres. »
Bertrande marmonna quelques mots que Sajhë ne parvint à entendre.
« Dans ton intérêt, j'espère que tu dis la vérité, menaça Oriane.
— C'est là-haut », expliqua la gamine d'une voix blanche et si empreinte de frayeur que Sajhë en eut le cœur serré.
Le stratagème consistait à surprendre Oriane à l'entrée de la grotte. À cette fin, il devait s'employer à mettre Bertrande hors d'atteinte, pendant que Guilhem se chargerait de la désarmer, avant qu'elle n'eût le temps de se servir de sa dague.
Sajhë consulta Guilhem du regard, lequel lui adressa un signe d'assentiment pour lui indiquer qu'il était fin prêt.
« Vous ne pouvez entrer, protestait Bertrande. Ce lieu est sacré. Nul, hormis les gardiens, ne peut y pénétrer.
— Ah, c'est ainsi ! la railla la femme. Et qui saurait m'en empêcher ? Toi, peut-être ? » Son visage prit une expression révulsée. « Tu lui ressembles au point que cela en
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