Labyrinthe
était couverte de sang.
« Des visages dans le… labyrinthe. »
Elle poussa un terrible hurlement. Croyant que quelqu'un cherchait à le surprendre, Guilhem se retourna et, à cet instant, la démente lui plongea sa dague dans la poitrine.
Il comprit instantanément qu'elle lui avait porté un coup mortel, que la mort prenait possession de lui. À travers l'écran brumeux qui descendait sur ses yeux, il la vit s'éloigner et toute idée de vengeance l'abandonna. Cela n'avait plus d'importance.
Oriane émergea dans la lueur crépusculaire, pendant que Guilhem titubait aveuglément vers la grotte, cherchant désespérant Alaïs dans l'amas de roches et de poussière.
Il la découvrit dans une légère dépression dans le sol, l'anneau serré dans sa main, étreignant le sac qui avait contenu le Livre des mots .
« Mon còr » , murmura-t-il.
Au son de sa voix, elle ouvrit les yeux pour lui adresser un faible sourire. Et Guilhem sentit son cœur chavirer.
« Comment va Bertrande ?
— Elle est sauve.
— Et Sajhë ?
— Il vivra aussi. »
Elle retint son souffle.
« Oriane…
— Je l'ai laissée partir. Elle est gravement blessée. Elle ne peut aller bien loin. »
Sur l'autel, la flamme de la lampe à huile vacilla puis mourut. Alaïs et Guilhem ne s'en rendirent pas compte, alors qu'ils gisaient dans les bras l'un de l'autre. Ils n'eurent pas davantage conscience des ténèbres et de la paix qui étaient à présent descendues sur la grotte. Ils ne savaient plus rien, si ce n'est qu'ils étaient finalement réunis.
82
Pic de Soularac
V ENDREDI 8 JUILLET 2005
La mince étoffe n'offrait que peu de protection contre la froide humidité de la chambre. Alice tourna lentement la tête en frissonnant.
À sa droite se dressait l'autel. Seule source de lumière, une antique lampe à huile posée en son centre, projetait des ombres escaladant la paroi. Elle était néanmoins suffisante pour distinguer le symbole du labyrinthe, vaste et imposant dans l'espace confiné.
Elle perçut qu'il y avait d'autres personnes à proximité. Elle faillit pousser un cri quand elle aperçut Shelagh sur sa droite. Cette dernière gisait recroquevillée sur le sol comme un animal, inerte, amaigrie, défaite, portant les marques des exactions qu'elle avait subies. Alice ne parvint pas à déterminer si elle respirait encore.
Fasse le Ciel qu'elle soit toujours en vie.
Ses yeux finirent par s'accoutumer à la faible lumière et, tournant la tête, elle vit Audric, toujours au même endroit, immobilisé par une corde attachée à un des anneaux scellés dans le sol. Sa chevelure blanche lui nimbait la tête d'une sorte de halo. On eût dit un gisant sculpté dans la pierre d'un tombeau.
Comme s'il avait senti le regard insistant d'Alice, il tourna la tête et lui adressa un sourire qu'elle lui rendit aussitôt, oubliant qu'il devait lui en vouloir de s'être précipitée à l'intérieur au lieu de l'attendre dehors, comme elle le lui avait promis.
Comme avait dit Shelagh.
Puis son regard se porta sur les mains parcheminées du vieil homme reposant sur l'aube blanche.
L'anneau de pierre était absent de sa main gauche.
« Vous aviez raison, Shelagh est ici, murmura-t-elle dans un souffle. Il faut que nous fassions quelque chose. »
Baillard acquiesça presque imperceptiblement de la tête et lança un coup d'œil au fond de la grotte. Elle suivit son regard.
« Will ! » s'exclama-t-elle à voix basse, n'en croyant pas ses yeux.
Un sentiment de soulagement l'envahit, accompagné de compassion à la vue de son œil tuméfié, ses cheveux agglutinés de sang séché, ses mains et son visage couverts d'entailles.
Mais il est ici. Avec moi.
Au son de sa voix, le jeune homme ouvrit les paupières pour scruter l'obscurité. Puis il la vit et, la reconnaissant, esquissa un sourire malgré ses lèvres craquelées.
Ils demeurèrent un instant ainsi, les yeux dans les yeux.
Mon cor. La prise de conscience donna du courage à Alice.
Le funèbre hurlement du vent dans le souterrain s'amplifia ; des murmures, entre chant et psalmodie, s'y mêlèrent. Alice ne put en définir l'origine, sinon que l'écho renvoyait dans la grotte des mots et des phrases jusqu'à l'emplir entièrement : montanhas, noblesa, libres, graal . La tête lui tournait, étourdie, subjuguée qu'elle était par les mots qui carillonnaient dans son crâne comme les cloches d'une cathédrale.
Au moment précis où cela devenait
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