Labyrinthe
décrivant une courbe comme un animal traquant sa proie, jusqu'à ce qu'elle se retrouvât dos à l'autel et lui au centre de la salle, près de la dépression.
Le tombeau, songea-t-il. Là où les deux squelettes ont été retrouvés.
« Où est-elle ? » s'enquit péremptoirement Marie-Cécile.
Baillard s'abstint de répondre.
« Vous ressemblez tant à votre grand-père. Par les traits, le caractère, la pugnacité. Et vous êtes aussi malavisée.
— Mon grand-père était un grand homme, rétorqua-t-elle, un éclair de colère dans les yeux. Il honorait le Graal. Il a dévolu son existence à la quête du Livre des mots pour mieux comprendre.
— Comprendre, dame, ou tirer parti ?
— Vous ne savez rien de lui.
— Oh, que si, la reprit-il doucement. Les gens ne changent guère. Et il était si près du but, n'est-ce pas ? continua-t-il, tout bas. Quelques kilomètres plus à l'ouest et c'est lui qui aurait découvert la grotte, et non vous.
— Cela ne change rien à l'affaire, elle nous appartient, se défendit-elle.
— Le Graal n'appartient à personne. C'est un objet que l'on ne peut posséder, manipuler ou négocier. »
Baillard se tut. À la lueur de la lampe à huile, il regardait Marie-Cécile au fond des yeux.
« Cela ne l'aurait pas sauvé », ajouta-t-il.
De l'autre extrémité de la salle, il l'entendit retenir son souffle.
« L'élixir guérit et prolonge la vie. Il l'aurait gardé en vie.
— Il n'aurait eu aucun effet contre la maladie qui dépouillait ses os de leur chair, dame. Pas plus qu'il ne vous donnera ce à quoi vous aspirez. Le Graal ne viendra pas à vous.
— Du moins est-ce ce que vous espérez, Baillard, sans en avoir la certitude. Avec tout votre savoir, toute votre quête, vous ignorez ce qu'il va arriver.
— Vous vous leurrez.
— Ceci est une chance qui vous est offerte, Baillard, après tant d'années de recherches, d'études et d'écrits. Comme moi, vous y avez consacré votre vie. Vous aspirez autant que moi à ce que cela se réalise.
— Et si je refuse de coopérer ? »
Elle eut un rire froid.
« Allons donc, vous le savez bien. Mon fils la tuera. De quelle manière, en combien de temps, cela ne dépend que de vous. »
Malgré les précautions qu'il avait prises, Baillard sentit un frisson lui parcourir la moelle épinière. Si Alice restait dans sa cachette comme elle l'avait promis, il n'y avait pas lieu de s'inquiéter. Elle était en sécurité, et tout serait fini avant qu'elle n'eût compris ce qui arrivait.
Le souvenir d'Alaïs, de Bertrande, aussi, fit irruption dans sa mémoire. Leur caractère impétueux, réfractaire à toute forme d'autorité, leur courage confinant la témérité.
Alice était-elle de la même trempe ?
« Tout est prêt, annonça Marie-Cécile. Le Livre des potions et le Livre des nombres sont ici. Il ne vous reste plus qu'à me remettre l'anneau et à me révéler la cachette du Livre des mots . »
Baillard s'obligea à se concentrer sur Marie-Cécile, à chasser Alice de ses pensées.
« Pourquoi êtes-vous certaine qu'il se trouve encore dans la chambre ? »
Marie-Cécile sourit.
« Parce que vous êtes ici, Baillard. Pour quelle autre raison seriez-vous venu ? Vous souhaitez assister une dernière fois à la cérémonie avant de mourir. Allons, passez la toge ! » vitupéra-t-elle, exaspérée.
Elle agita son arme vers le vêtement blanc posé au pied des marches. Le vieil homme fit un signe de dénégation et, pour la première fois, vit le doute affleurer sous le masque glacial.
« En suite de quoi, vous irez chercher le livre », ajouta-t-elle.
Remarquant que trois petits anneaux de métal avaient été scellés dans le sol de la partie la plus basse de la grotte, il se souvint que c'était Alice qui avait découvert les squelettes dans leur tombeau.
Il sourit. Bientôt, il aurait la réponse qu'il attendait.
« Audric », murmurait Alice en marchant à tâtons dans le souterrain.
Pourquoi ne répond-il pas ?
Comme la première fois, elle sentait le sol descendre sous ses pas, bien que le tunnel lui parût plus long.
Devant, dans la grotte, elle discerna le pâle éclat d'une lumière jaunâtre.
« Audric », appela-t-elle encore avec une crainte grandissante.
Elle accéléra le pas, couvrant les derniers mètres en courant, jusqu'au moment où elle fit irruption dans la chambre. Là, elle s'immobilisa.
C'est impossible.
Baillard se tenait au pied des marches,
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