Labyrinthe
revêtu de l'aube blanche.
Je me le rappelle.
Elle chassa le souvenir de sa mémoire. Les mains liées devant lui, Baillard était allongé sur le sol comme un animal. Marie-Cécile se tenait à l'autre extrémité de la chambre, dans la lueur tremblante de la lampe à huile.
« C'est allé assez loin comme ça, je crois », déclara-t-elle.
Audric se retourna, le regard plein de regrets et de tristesse.
« Je suis désolée, murmura-t-elle, comprenant qu'elle avait tout gâché. Il fallait que je vous prévienne… »
Avant qu'elle n'eût le temps de comprendre quoi que ce soit, on la ceintura par-derrière. Elle hurla et se défendit. Mais ils étaient deux
C'est arrivé de cette façon, auparavant.
Quelqu'un l'appela par son prénom. Ce n'était pas Baillard.
Une onde nauséeuse la submergea et elle se mit à tomber.
« Emparez-vous d'elle, idiots ! » criait Marie-Cécile.
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Pic de Soularac
M ARÇ 1244
Guilhem ne pouvait rattraper Alaïs. Elle avait pris trop d'avance.
Malgré la douleur aiguë de ses côtes brisées qui l'empêchait de respirer, il s'avança en chancelant dans le tunnel obscur. Les paroles d'Alaïs tournoyaient dans sa tête, mais la peur qui lui pétrifiait le torse l'incitait à avancer.
L'atmosphère devenait de plus en plus froide, glaciale comme pour aspirer toute vie de la grotte. Il ne comprenait pas : si ces lieux étaient sacrés, pourquoi y percevait-il autant d'hostilité ?
Guilhem se retrouva sur une plate-forme de pierre naturelle au bout de laquelle de larges marches accédaient à une surface de terre battue. Une calelh posé sur un autel de pierre dispensait une faible lumière.
Les deux sœurs se faisaient face, Oriane pointant toujours son couteau sur la gorge de Bertrande. Alaïs parfaitement immobile.
Guilhem s'accroupit en priant qu'Oriane ne décelât pas sa présence. Aussi discrètement que possible, il longea la paroi à la faveur de l'obscurité, jusqu'à être assez près pour entendre ce que les deux femmes se disaient.
Oriane lança un objet aux pieds d'Alaïs.
« Prenez-le, cria-t-elle. Et ouvrez le labyrinthe. Je sais que le Livre des mots y est caché. »
Guilhem vit Alaïs ouvrir de grands yeux étonnés.
« Vous n'avez donc pas lu le Livre des nombres ? Voilà qui est surprenant, ma sœur. L'explication de la clé s'y trouve, pourtant. » Elle hésita, avant de poursuivre : « Le merel inséré dans l'anneau ouvre la chambre au cœur du labyrinthe. »
Oriane tira brusquement la tête de l'enfant en arrière. Le couteau pointé sur la gorge jeta un funeste éclat.
« Ouvrez-la sur-le-champ, ma sœur. »
Bertrande poussa un cri que Guilhem ressentit comme un tisonnier planté dans son crâne. Il contempla Alaïs qui, l'air grave, laissait son bras blessé pendre inerte sur le côté.
« Vous devez d'abord la relâcher. »
Oriane secoua la tête. Les cheveux dénoués, elle avait un regard dément. Sans quitter sa sœur des yeux un seul instant, elle fit une légère entaille dans le cou de Bertrande d'un geste lent et délibéré.
L'enfant fondit en larmes pendant que le sang perlait sur la peau translucide de son cou.
« La prochaine sera plus profonde, menaça Oriane, d'une voix vibrante de haine. Allez quérir le livre. »
Ayant ramassé l'anneau, Alaïs se dirigea vers le labyrinthe, suivie d'Oriane et de Bertrande toujours sous la menace du poignard. Elle entendait le souffle précipité de sa fille prête à défaillir, titubant sur ses jambes entravées.
L'espace d'un instant, elle ne fit pas un geste, se remémorant le jour où, pour la première fois, elle avait vu Harif accomplir cette même tâche.
Quand elle posa la main gauche sur la pierre du labyrinthe, une douleur atroce irradia son bras blessé. Elle n'avait nul besoin de chandelle pour suivre les contours du symbole de vie égyptien, l'ankh, comme Harif le lui avait jadis enseigné. Puis, le dos tourné à Oriane pour lui cacher ses gestes, elle inséra l'anneau dans le petit creux situé au centre du labyrinthe qui se trouvait juste devant ses yeux. Ne pensant qu'à sa fille, elle pria pour que la magie s'opérât, sachant que nulle parole n'avait été prononcée, aucun préparatif n'avait été accompli pour une telle cérémonie. Les circonstances ne pouvaient être plus différentes que celles de la seule fois où elle s'était tenue en simple suppliant devant le labyrinthe de pierre.
« Di ankh djet » , murmura-t-elle.
Les mots
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