Labyrinthe
anciens lui firent l'effet de cendres dans la bouche. Il y eut un déclic, sans que rien se produisît. Puis, des profondeurs de la muraille, monta le raclement d'une pierre frottant sur une autre pierre. Alaïs s'écarta d'un pas et, dans la pénombre, Guilhem vit la niche, au centre du labyrinthe. Un livre se trouvait à l'intérieur.
« Donnez-le-moi, ordonna Oriane. Posez-le sur l'autel. »
Alaïs s'exécuta, sans quitter sa sœur un seul instant du regard.
« Relâchez-la, à présent. Elle ne vous est plus d'aucun usage.
— Ouvrez-le ! vociféra en réponse Oriane. Je veux m'assurer que vous ne me jouez point un de vos tours. »
Guilhem se rapprocha. Un symbole doré dont il ignorait jusqu'à ce jour l'existence figurait sur la première page. Ovale en forme de larme renversée, il était placé au-dessus d'une sorte de croix ressemblant à un bâton de berger.
« Poursuivez, dit Oriane, je veux le voir entièrement. »
Alaïs tourna les pages d'une main tremblante. Guilhem y distinguait un étrange mélange de figures et de signes qui, ligne après ligne, les recouvraient entièrement sans y laisser le moindre espace.
« Prenez-le, Oriane, déclara Alaïs d'une voix qu'elle voulait résolue. Prenez le livre et rendez-moi ma fille. »
Lorsqu'il vit de nouveau la lame étinceler, Guilhem comprit en un éclair que la jalousie et la rancœur conduiraient Oriane à détruire tout ce que sa sœur aimait.
Alors, il se jeta sur elle en la frappant violemment par le côté. Ses côtes fêlées émirent un craquement qui éveilla une douleur telle qu'il faillit perdre connaissance. Néanmoins, son effort parvint à libérer Bertrande.
Le poignard s'échappa des mains d'Oriane et glissa hors de vue, quelque part sous l'autel. Sous le choc, Bertrande fut projetée en avant. Elle cria, tandis que sa tête heurtait un coin de la dalle de pierre. Puis elle ne bougea plus.
« Emmenez Bertrande ! lui cria désespérément Alaïs. Elle est blessée ; Sajhë pareillement ! Il est au village un homme nommé Harif qui saura vous prêter assistance ! »
Cependant, Guilhem hésitait à l'abandonner.
« De grâce, Guilhem, sauvez-la ! »
Ces derniers mots se perdirent alors que chancelante, Oriane se relevait, la dague à la main, pour se jeter sur sa sœur et lacérer son bras blessé.
Guilhem avait le cœur déchiré. L'idée de laisser Alaïs affronter seule sa sœur lui était insupportable, mais, Bertrande gisait là, inerte, sur le sol.
« De grâce, Guilhem, emportez-la ! »
Avec un dernier regard à Alaïs, il fit ce qu'elle attendait de lui et, prenant l'enfant blessée dans ses bras, courut en essayant d'oublier le sang sur le cuir chevelu de sa fille.
En traversant la salle, il perçut un grondement, pareil au tonnerre roulant dans les collines. Il trébucha, pensant que ses jambes refusaient de le porter. Il réussit néanmoins à avancer et parvint jusqu'au souterrain. Il glissa sur les pierres, bras et jambes flageolant de douleur. Puis il s'aperçut que le sol bougeait : la terre elle-même tremblait sous ses pieds.
Ses forces étaient près de l'abandonner. Inerte dans ses bras, Bertrande semblait plus lourde à chaque pas. Le grondement s'amplifia, alors que cailloux et poussière commençaient à pleuvoir autour de lui.
Un air froid venait à sa rencontre. Encore quelques pas, il émergerait des ténèbres et se retrouverait à l'air libre.
Bien qu'inanimé, Sajhë respirait normalement. Guilhem se hâta vers lui. D'une pâleur extrême, Bertrande laissa échapper un gémissement et commença à s'agiter dans ses bras. L'ayant déposée près de Sajhë, il alla récupérer les capes des soldats morts pour leur en faire une couverture. Puis il arracha son manteau, abandonnant la fibule de cuivre et d'argent dans la poussière, et le glissa sous la tête de Bertrande en guise de coussin.
Il déposa sur le front de l'enfant le premier et ultime baiser qu'il devait lui donner en murmurant :
« Filha… »
De la grotte monta un terrible grondement, semblable au tonnerre après l'éclair. Guilhem se précipita vers le souterrain qui résonnait d'un bruit assourdissant. Une silhouette sortait de la pénombre et se ruait vers lui.
« Un esprit… un visage. » Oriane haletait en roulant des yeux fous. « Un visage au cœur du labyrinthe. »
« Où est-elle ? hurla-t-il en lui saisissant le bras. Qu'avez-vous fait d'Alaïs ? »
Les mains, le vêtement, Oriane
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