Labyrinthe
sanctionné par un sacrement appelé consolament. (N.d.T.)
4. Pour Carcassonne ! Pour le Midi ! (N.d.T.)
7
Les heures passaient, et le débat faisait rage.
Les serviteurs allaient et venaient portant des paniers chargés de pains et de raisin, des plats de viandes ou de fromage blanc, emplissant sans désemparer les aiguières de vin. Si l'on fit peu de cas des nourritures proposées, l'on but en revanche d'appréciables quantités de vin, ce qui eut pour effet d'apaiser les colères, tout autant que d'affecter le jugement.
À l'extérieur du Château comtal, la vie suivait son cours : les cloches des églises appelaient à la prière, cependant que les moines chantaient des cantiques et que les nonnes priaient, douillettement blotties à l'ombre des murs de Sant-Nasari. Dans les rues de Carcassonne, les citadins vaquaient à leurs occupations. Dans les bourgs par-delà les fortifications, les enfants jouaient, les femmes ravaudaient, négociants, paysans, artisans mangeaient, travaillaient, jouaient aux dés.
Derrière les murs du grand vestibule, la raison faisait place peu à peu aux injures et aux récriminations. Une faction optait pour la fermeté, une autre prônait une alliance avec Toulouse, arguant que, si l'importance de l'armée rassemblée à Lyon s'avérait, leurs forces coalisées étaient insuffisantes pour braver pareil ennemi.
Chaque homme entendait les tambours battre dans sa tête. Certains songeaient déjà à se couvrir de gloire ; d'autres voyaient des flots de sang ruisselant des collines et jusque dans la plaine, un exode sans fin de gens dépossédés, errant parmi les ruines calcinées.
Pelletier parcourait inlassablement la salle de tous côtés, guettant le premier signe de dissidence, d'opposition ou même de contestation quant à l'autorité du maître de céans. Rien de ce qu'il entendait n'était motif à réelles préoccupations. À l'inverse, il était convaincu que chacun se rallierait à la décision que prendrait le vicomte, nonobstant ses intérêts privés.
Les plans de bataille procédaient moins d'un point de vue idéologique que d'une vision géographique. De fait, plus vulnérables, les seigneurs qui vivaient en plaine mettaient leur confiance dans le dialogue et la négociation, quand ceux dont le domaine s'étendait sur les hauteurs de la Montagne Noire, des monts Sabarthès ou des Pyrénées préconisaient la fermeté et prônaient l'affrontement.
Pelletier n'ignorait pas que le cœur du vicomte allait vers ces derniers. Il avait la même trempe que ces seigneurs des montagnes, et partageait leur farouche indépendance d'esprit.
Mais l'intendant savait aussi que la voix de la raison dictait à Trencavel que sa seule chance de protéger son peuple et de garder ses terres intactes était de ravaler son orgueil et de négocier.
À la fin de l'après-midi, le grand vestibule empestait les exsudations de colère et de discussions aigries. Pelletier était rompu. Épuisé d'être allé de l'un à l'autre et d'avoir écouté des propos qui tournaient en rond sans jamais prendre fin. En outre, la migraine lui vrillait les tempes. Il se sentait perclus et vieux, trop vieux pour faire face, songeait-il en triturant distraitement l'anneau qu'il portait au pouce et ne quittait jamais.
Il était temps d'en venir aux conclusions.
Ordonnant à un valet d'apporter de l'eau, il y trempa un carré de coton blanc qu'il tendit au vicomte.
« S'il vous plaît, messire », dit-il.
Trencavel accepta le linge de bonne grâce et s'en tamponna le front et le cou.
« Croyez-vous que nous leur avons accordé suffisamment de temps ?
— Je le crois, messire », acquiesça Pelletier.
Le vicomte hocha la tête. Les mains posées fermement sur les accoudoirs finement ouvragés de son siège, il avait l'air aussi calme que lorsqu'il s'était adressé au conseil. Nombre d'hommes, même parmi les plus avisés, auraient eu grand mal à garder un tel sang-froid, se disait Pelletier. Le vicomte le devait à sa force de caractère, à son inébranlable volonté de mener le débat à son terme.
« En sera-t-il comme nous le pensons, messire ?
— Il en sera ainsi, répliqua Trencavel. Même s'ils ne font pas cause commune, je pense que la minorité se rangera à la décision de la majorité dans cette… » Il s'interrompit, laissant percevoir pour la première fois comme une incertitude, une note de regret. « Ah, Bertrand, comme j'aimerais choisir une autre voie…
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