Labyrinthe
culminant au-dessus d'elle comme d'obscures colonnes vertes. Enfin le feu, rideau rugissant de flammes rouges, jaunes et dorées.
Elle s'étreignit frileusement de ses bras nus. Pourquoi ce rêve était-il réapparu ? Dans son enfance, il l'avait poursuivie et n'avait jamais abouti nulle part. Pendant que ses parents dormaient sans se douter de rien, de l'autre côté du palier, elle restait, nuit après nuit, dans l'obscurité, agrippée à sa couverture, décidée à combattre ses démons toute seule.
Mais c'était autrefois. Cela faisait des années que ce rêve avait cessé de la hanter.
« Et si tu essayais de te mettre debout ? » proposait Shelagh.
Ça ne signifie rien. Ce n'est pas parce que c'est arrivé une fois que ça va recommencer.
« Alice, reprit Shelagh avec une trace d'impatience. Crois-tu pouvoir te lever ? Nous devons regagner le camp pour que quelqu'un puisse t'examiner.
— Je crois, répondit enfin Alice d'une voix qui lui parut étrangère. Ma tête ne va pas très bien.
— Tu peux y arriver, Alice. Allons, fais un effort. »
Alice contempla son poignet enflé. Merde . Elle ne pouvait pas se souvenir, elle s'y refusait.
« Je ne sais pas ce qui m'est arrivé. Ça… » Elle exhiba sa main. « Je me le suis fait à l'extérieur. »
Shelagh glissa son bras sous celui de son amie pour l'aider à se relever. Stephen l'imita de l'autre côté. Alice vacilla un peu sans vraiment trouver son équilibre, mais peu après, son vertige disparut et les sensations commencèrent à revenir dans ses membres ankylosés. Elle remua ses doigts avec précaution, éprouva le contact calleux de ses phalanges.
« Je vais bien. Accordez-moi encore une minute.
— Qu'est-ce qui t'a pris de venir ici de ta propre initiative ?
— Je… » Alice s'interrompit, ne sachant trop que répondre. C'était dans sa nature de transgresser les règles et d'aller au-devant des ennuis. « Il y a quelque chose qu'il faut que vous voyiez. Là-bas, un peu plus bas. »
Shelagh suivit le regard d'Alice avec le faisceau de sa torche. L'ombre se déchira sur les murs et le plafond de la grotte.
« Non, pas ici, en bas. »
Shelagh baissa sa torche.
« Devant l'autel.
— L'autel ? »
Le puissant pinceau de lumière blanche fendit encore une fois l'écran noir de la chambre à la manière d'un projecteur. Une fraction de seconde, l'ombre de l'autel se superposa, semblable à un π, sur la paroi gravée du labyrinthe. Shelagh bougea la main, l'image disparut et le cercle de lumière révéla le tombeau. Les pâles ossements jaillirent brusquement de l'ombre.
Aussitôt, l'atmosphère changea. Shelagh eut une inspiration saccadée. Pareille à un automate, elle descendit une, puis deux marches. On aurait dit qu'Alice n'existait plus pour elle.
Stephen esquissa un pas pour la suivre.
« Non, commanda-t-elle sèchement. Ne bouge pas.
— Je voulais seulement…
— Va plutôt chercher le docteur Brayling. Et parle-lui de ce que nous avons découvert… Immédiatement ! » cria-t-elle en le voyant hésiter.
Stephen fourra sa torche entre les mains d'Alice et disparut dans le tunnel sans un mot. La jeune femme entendit le raclement de ses bottines décroître sur les gravillons, jusqu'à être avalé par l'obscurité.
« Ce n'était pas la peine de hurler, objecta Alice, alors que son amie venait se camper devant elle :
— As-tu touché à quelque chose ?
— Pas exactement, sauf…
— Sauf quoi ? la reprit Shelagh du même ton incisif.
— Il y a des objets dans le tombeau, ajouta Alice. Je peux te les montrer.
— Non ! cria-t-elle. Il n'est pas question que des gens viennent piétiner autour de cette tombe », expliqua-t-elle plus calmement.
Sur le point de lui dire que c'était un peu tard pour ça, Alice se ravisa. Elle n'avait aucune envie d'approcher encore les squelettes. Leurs orbites vides, les os brisés étaient encore trop présents devant ses yeux.
Shelagh se tenait à l'aplomb du tombeau qui affleurait le sol. La manière qu'elle avait de promener la lumière de sa torche sur les squelettes, de bas en haut comme si elle voulait les jauger, avait quelque chose de provocant. C'en était presque irrespectueux. Comme elle s'accroupissait en tournant le dos à Alice, le faisceau capta le couteau rouillé.
« Tu prétendais n'avoir touché à rien ? s'enquit-elle abruptement par-dessus son épaule. Comment se fait-il que tes pincettes soient ici ?
— Tu ne m'as pas
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