Labyrinthe
aigre et poussiéreuse dont était imprégné le tissu lui déclencha une quinte de toux. Elle continua pourtant de se démener, jusqu'au moment où un coup de poing dans le ventre la projeta, cassée en deux, sur le sentier.
À bout de forces, incapable de résister plus longtemps, elle se laissa ligoter les mains derrière le dos.
« Reste là… »
Les deux hommes s'éloignèrent. Alaïs entendit le claquement des cuirs pendant qu'ils fouillaient ses sacoches de selle et jetaient sur le sol ce qu'elles contenaient. Ils échangeaient des propos, se querellaient, peut-être. Elle n'aurait su le dire, tant leur langage était rude.
Pourquoi ne m'ont-ils point tuée ?
Aussitôt, la réponse prit possession d'elle comme un esprit malfaisant : Ils veulent d'abord abuser de moi.
Alaïs tenta alors désespérément de se libérer de ses liens, même en sachant qu'au cas où elle y parviendrait, elle ne pourrait aller bien loin. À présent, elle les entendait rire. Et boire. Rien ne les pressait.
Des larmes de désespoir lui montèrent aux yeux. Exténuée, elle laissa mollement retomber sa tête sur le sol.
Au début, elle ne parvint pas à définir l'origine du grondement. Puis elle comprit. Des chevaux. Des sabots de chevaux ferrés galopant dans la plaine. Elle colla son oreille au sol : cinq, peut-être six chevaux se dirigeaient vers les bois.
Le tonnerre gronda au loin. La tempête se rapprochait. Au moins y avait-il une chose qu'elle pouvait tenter : si elle réussissait à s'éloigner de ses agresseurs, peut-être aurait-elle une chance de rester en vie.
Lentement, aussi imperceptiblement que possible, elle s'employa à s'écarter du sentier jusqu'à sentir des brindilles lui érafler les jambes. Se redressant tant bien que mal sur les genoux, elle commença de secouer la tête de haut en bas en espérant faire glisser la cagoule. Sont-ils en train de m'observer ?
Aucun cri de protestation ne s'éleva. Le cou tendu, elle opéra un mouvement de gauche à droite de plus en plus accéléré. Après une dernière secousse, la cagoule consentit à tomber sur son épaule. Elle inhala quelques grandes goulées d'air, puis essaya de rassembler ses esprits.
Elle se trouvait à la limite du champ de vision des deux reîtres, à qui il suffisait toutefois de tourner la tête pour l'apercevoir. Quand bien même elle prendrait ses jambes à son cou, ils auraient tôt fait de la rattraper. Une fois encore, Alaïs colla son oreille au sol. Les cavaliers arrivaient de Coursan. Était-ce des chasseurs ? Des éclaireurs ?
Le craquement du tonnerre résonna dans le sous-bois, faisant fuir les oiseaux perchés dans les plus hauts nids. Ils battirent l'air de leurs ailes affolées, avant de plonger sous le couvert des frondaisons. Tatou hennit et se mit à piaffer.
Priant le Ciel que le tonnerre continuerait de couvrir le galop des chevaux jusqu'à ce qu'ils se fussent suffisamment rapprochés, Alaïs rampa vers les fourrés dans les cailloux et les brindilles.
« Ohé ! »
Alaïs se figea. Les hommes l'avaient vue. Elle retint un hurlement de terreur, tandis qu'ils se ruaient vers l'endroit où elle tentait de se cacher. Un nouveau grondement leur fit lever les yeux, où Alaïs entrevit une lueur affolée. Ils ne sont pas habitués à nos violentes tempêtes. Même à cette distance, elle sentait l'odeur de peur que dégageait leur peau.
Profitant de cet instant d'hésitation, Alaïs s'empressa de se relever pour prendre ses jambes à son cou.
Elle ne fut pas assez rapide. Le balafré se précipita sur elle et la renversa en la frappant à la tête.
« Hérétique ! » brailla-t-il en se relevant précipitamment pour la clouer au sol du talon.
Alaïs voulut le renverser mais il était trop lourd et ses jupons étaient pris dans les ronces. Alors qu'il lui enfonçait le visage dans la terre, elle sentit l'odeur du sang qui coulait de son bras blessé.
« Je t'avais dit de te tenir tranquille, putain ! »
La respiration haletante, il déboucla son ceinturon et la poussa sur le côté. Fasse le Ciel qu'il n'ait point ouï les cavaliers. Elle se débattit encore, vainement car l'homme l'écrasait de tout son poids. Un grand cri s'échappa de sa poitrine, n'importe quoi pourvu qu'il n'entendît pas l'approche des chevaux.
Un autre coup sur le visage lui fendit la lèvre. Un goût de sang envahit sa bouche.
« Putain. »
Soudain, d'autres voix :
« Ara, ara ! »
Elle perçut confusément
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