Labyrinthe
après tout. Le cavalier était simplement vêtu, rien qui vaille de ce point de vue-là, mais d'une jument de cette race, il tirerait sûrement un bon prix.
Il lança une pierre en direction de son acolyte tapi de l'autre côté du sentier.
« Lève-toi ! chuchota-t-il avec un mouvement de tête en direction d'Alaïs. Regarde !
— Regardez-moi ça, murmura l'autre. Une femme. Et seule.
— Es-tu certain qu'elle est seule ?
— J'entends personne à part elle. »
Les deux hommes saisirent les extrémités de la corde dissimulée sous les feuilles mortes, en travers du sentier, et guettèrent l'arrivée de leur proie.
Plus Alaïs s'enfonçait dans le sous-bois, plus son courage s'effilochait.
Le sol, humide en surface, était très sec en dessous. Les feuilles mortes bruissaient sous le pas de Tatou. Alaïs tenta de se rassurer en se concentrant sur le chant des oiseaux, sans parvenir à réprimer les frissons qui lui hérissaient l'échine. Le silence n'était pas paisible mais, au contraire, menaçant.
C'est encore l'effet de ton imagination.
Tatou le sentait aussi. Sans crier gare, quelque chose jaillit du sol en produisant le bruit d'une flèche fendant l'air.
Un coq de bruyère ? Un serpent ?
Se dressant sur ses pattes arrière, la jument se cabra sauvagement en hennissant de terreur. Alaïs n'eut pas le temps de réagir. Son capuchon retomba sur ses épaules et ses mains lâchèrent les rênes tandis qu'on la projetait en bas de sa selle. Une violente douleur irradia son épaule au point de lui couper le souffle. Haletante, elle roula sur le côté et tenta de se relever, n'ayant d'autre pensée que de retenir sa jument qui risquait de détaler.
« Tatou, doçament , cria-t-elle, chancelante. Tatou ! »
Elle hasarda quelques pas, puis s'immobilisa. Debout au milieu du sentier, un homme lui barrait le chemin. Son sourire révélait ses chicots noirs. Il tenait un couteau à la lame rouillée.
À sa droite, Alaïs perçut un mouvement. Un rapide coup d'œil lui révéla la présence d'un second individu, la joue fendue d'une balafre qui partait du coin de l'œil et descendait jusqu'à la bouche. Il tenait Tatou par la bride et brandissait un gourdin.
« Non, laissez-la ! » s'entendit-elle crier.
Malgré la douleur à son épaule, sa main trouva la poignée de son épée. Donne-leur ce qu'ils veulent et peut-être ne te feront-ils aucun mal. Comme le soudard avançait d'un pas, elle tira son épée, fendant l'air en décrivant un grand arc. Puis, sans quitter son agresseur des yeux, elle fouilla dans son escarcelle et lui lança une poignée de monnaie.
« Prenez. Je n'ai rien d'autre qui vaille. »
L'homme baissa un instant les yeux sur les pièces éparses, puis cracha dédaigneusement dessus. S'essuyant la bouche du revers de la main, il fit un autre pas. Alaïs leva son épée.
« Je vous préviens, n'approchez pas ! lui cria-t-elle en faisant tournoyer son arme pour l'empêcher d'approcher.
— Ceinture-la », ordonna-t-il à son acolyte.
Alaïs était glacée d'effroi. Un bref instant, son courage fléchit. Ces hommes étaient des soldats français, et non des bandits. Les histoires qu'on lui avait rapportées au cours du voyage se bousculaient dans sa tête.
Se ressaisissant, elle brandit derechef son épée.
« Ne vous approchez pas ! vociféra-t-elle d'une voix vibrante de frayeur. Je vous aurai occis avant de… »
Tournant brusquement les talons, elle se rua sur le second homme qui tentait de la contourner. D'un coup d'épée, elle fit voler le gourdin de ses mains. Avec un rugissement de fauve, l'homme tira de sa ceinture un coutelas et se jeta sur elle. Empoignant son arme à deux mains, Alaïs la leva au-dessus de sa tête et la plongea de haut en bas dans le bras du soldat, comme pour un ours au moment de l'hallali. Le sang gicla.
Elle s'apprêtait déjà à porter un second coup, quand des milliers d'étoiles explosèrent dans sa tête. Elle tituba sous la violence du choc. Les yeux brouillés de larmes, elle sentit qu'on la saisissait par les cheveux pour l'empêcher de tomber. Puis elle éprouva le contact glacial d'une lame appuyée contre sa gorge.
« Putain…, grinça le blessé en la frappant de sa main ensanglantée.
— Laisse tomber. »
Acculée, Alaïs lâcha son épée que l'homme expédia un peu plus loin d'un coup de pied, avant de tirer une cagoule de sa ceinture pour la lui passer sur la tête. Alaïs se débattit. L'odeur
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