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Lacrimae

Titel: Lacrimae Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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fut certain que son frère en était arrivé où il le souhaitait. Il le pressa :
    — Quoi donc ? Je te sens soudain réticent.
    — Et comment se porte notre gente mère d’alliance ?
    Cyr prétendit l’hésitation :
    — Ma foi, elle n’est pas femme à se plaindre.
    La réponse était assez vague pour qu’Amâtre ne puisse l’utiliser afin de lui porter préjudice.
    — Je vois. Causez-vous parfois ?
    — Non pas. Je l’aperçois au détour d’un couloir, en haut d’un escalier…
    Il disait vrai. Un avantage puisqu’il devait convaincre son aîné de sa cordiale indifférence envers Ivine. Il ne pouvait devenir un rival à ses yeux. Pas encore. Seulement lorsqu’il serait trop tard pour que l’autre contre-attaque. Il poursuivit :
    — J’aurais aimé lui offrir mon respect de fils d’alliance, échanger quelques civilités avec elle, bref, ainsi qu’il est d’us, d’autant qu’on la dit douce et digne et qu’elle n’a pas usurpé la place de notre mère, ni la nôtre… Néanmoins, tu connais notre père.
    — Palsambleu 2 , oui !
    — Un simple regard de courtoisie filiale sur sa dame et le voilà qui imagine le pire et s’apprête à tirer l’épée. Il m’a donc semblé… préférable d’éviter tout rapprochement avec elle, ajouta-t-il comme si la chose n’avait au fond pas grande importance. À la vérité, je le déplore un peu. Elle me semble si solitaire, son seul dérivatif, si j’en crois les ragots d’office, étant ce petit chien qu’elle choit à l’instar d’un enfançon, et ses deux dames qui la divertissent un peu.
    — Pauvre, pauvre colombe, approuva Amâtre, satisfait puisqu’on lui servait ce qu’il avait envie d’entendre. Et donc, elle n’a jamais conçu ?
    — Étant entendu mes liens plus que distants avec elle et son entourage, je ne saurais te dire si elle est tombée grosse. En tout cas, aucun enfant n’a vu le jour, nulle grossesse ne fut apparente et les langues bien pendues des cuisines n’ont jamais fait allusion à une future naissance.
    Une sorte de contentement dérida le visage rougeaud de son frère qui commenta :
    — C’est un signe. Un signe du ciel. On le sait fort bien. Certaines femmes stériles, en dépit des ardeurs d’un époux, se trouvent avec enfant à l’issue d’une ou deux nuits de passion dans les bras d’un autre.
    Cyr en était également venu à cette hypothèse, à ceci près qu’il était certain d’être le géniteur qu’attendait Ivine, sans même le savoir. Avec prudence, de sorte à attiser la féroce jalousie de son aîné, il admit :
    — Je ne suis pas loin de le croire. Pourtant, morbleu 3  ! Ces fameuses langues bien pendues ne cessent de clabauder, narrant avec une graveleuse délectation la… frénétique application de notre père à procréer. Il honorerait sa dame à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit.
    Il vit le visage de son frère se crisper et ne douta pas que l’autre imaginait les ébats des époux et que la bile lui montait à la gorge.
    — Verrat qu’il est ! Que peut-elle tenter, pauvre douce ?
    Verrat fils et verrat père, songea Cyr, qui répondit en haussant les épaules :
    — Ce que font toutes les dames : se plier à la volonté de leur seigneur et maître.
    — A-t-il d’autres… épanchements de sens ?
    — Je l’ignore, mon bon frère. Une quantité négligeable, voilà à quoi je me résume, une quantité qui s’efforce de se faire le plus rare possible au château. Je n’y suis pas le bienvenu et pourtant, je me satisfais de peu. Un accès à la bibliothèque, une pièce où dormir, bref le gîte et le couvert, sans oublier un peu de cordialité. Tu le sais, peu me chaut 4 la gloire , le titre, la fortune. De fait, il serait bien sot de me leurrer sur mon propre compte. Je n’ai pas l’étoffe d’un seigneur et il est donc heureux que le rang de puîné 5 m’ait été réservé par le sort. Je ne suis ni guerrier, ni meneur d’hommes, et piètre chasseur…
    Amâtre goûtait chacune de ses paroles. S’il avait redouté une possible rivalité de frères, ce discours le rassurait à son content. Pauvre benêt d’Amâtre, pensa Cyr.
    — … Cela étant, je te l’avoue bien volontiers, la robe ne me tente guère, et j’espère bien trouver donzelle qui retiendra mon cœur et mes sens. (La colère le submergea, une véritable colère.) Mais avec lui… chaque jour est une épreuve, un sursis. Je me demande à toute heure

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