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Lacrimae

Titel: Lacrimae Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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qui, d’étrange manière, se soldait bien souvent par une infection mortelle 9 .
    — Ses dernières contractions devraient l’expulser sous peu 10 . S’il ne venait pas, j’interviendrais.
    — Mais… faut l’enterrer 11 au plus vite, insista Cécile, l’aubergiste.
    — Non pas, vous dis-je.
    La matrone intervint d’une voix autoritaire :
    — L’a saigné. S’a déchirée. J’as là une bonne boue sèche mêlée de paille pilée qu’y suffit d’humecter pour faire un emplâtre 12 .
    — Non. Pas d’emplâtre de boue. (Il plongea la main dans sa bougette et en tira une petite fiole remplie d’un liquide vert-marron.) Nous allons nettoyer la plaie avec un peu d’eau additionnée de ceci, une macération de lierre grimpant et d’ortie blanche 13 , connus pour faire merveille. (Ignorant le plissement réprobateur des lèvres de la femme, il ordonna :) Matrone, ondoyez l’enfant, nettoyez-le et offrez un verre d’hypocras 14 à la mère qui en a bien besoin.

    Lorsque les deux femmes revinrent d’avoir enterré le placenta, le jour se levait. Elles étaient aux anges. Muguette reposait. La matrone décampa, mécontente, après avoir été payée et avoir exigé de récupérer le cordon ombilical qu’elle ferait sécher, réduirait en poudre pour le vendre à prix d’or comme philtre d’amour 15 .
    — C’t’un miracle, commenta Guillaume, soulagé.
    — Nan, c’t un aesculapius qu’a pas volé ses deniers ! rectifia maîtresse Borgne.
    — Je vous l’avais dit ! s’écria Huguelin, rayonnant de fierté.
    Un peu triste, Druon songea aux futures grossesses de Muguette. Il ne serait plus là pour veiller sur elle et tant de femmes trépassaient !
    Maîtresse Tue-Vache déborda soudain de générosité – une fois n’était pas coutume – et aligna sur la table tout ce qu’il y avait de meilleur dans la demeure. On se restaura, on but un peu trop à la santé de la mère et de l’enfançon et on rit beaucoup. Un peu éméché, Huguelin insista pour conter les merveilles dont était capable son maître et narra l’épouvantable histoire de la prétendue bête maléfique qui ravageait les terres du seigneur Béatrice d’Antigny, et que la science de son maître avait permis d’identifier et de détruire.
    1 - On y rangeait un peu tout, notamment la vaisselle.
    2 - Torchons, linges.
    3 - Il s’agissait d’une superstition. On dénouait tout, même les animaux, afin que le cordon ombilical ne s’enroule pas autour du cou de l’enfant.
    4 - Confectionnées à partir de racines de courge et louées par les prêtres, elles étaient sensées faciliter les accouchements.
    5 - Poudre d’utérus de lapine ou de la femelle du lièvre. On la donnait dans l’espoir que l’accouchement serait plus rapide.
    6 - Il s’agissait de la position recommandée et elle sera utilisée très longtemps.
    7 - Robe ou tunique longue.
    8 - Placenta. Appelé ainsi puisqu’il était le deuxième « fardeau » dont la mère devait se débarrasser. Également nommé secondine, puisqu’il « sortait » en second.
    9 - On laissait souvent alors un fragment du placenta qui s’infectait.
    10 - La sortie du placenta est ce que nous appelons aujourd’hui « la délivrance ».
    11 - La superstition voulait qu’il attire le mauvais sort sur l’enfant.
    12 - La pratique qui consistait à appliquer un tel emplâtre sur les plaies était générale. On comprendra qu’elle se soit soldée par un nombre considérable d’infections souvent mortelles.
    13 - Tous deux des antiseptiques.
    14 - Mélange de vins rouge et blanc, sucré de miel et additionné de cannelle et de gingembre.
    15 - Cela faisait partie de la « rémunération » des matrones.

XVIII
    Paris, octobre 1306
    À la nuit échue, une ombre emmitouflée d’une longue cape épaisse remonta la rue Saint-Antoine et déboucha rue de Tiron, que les Parisiens nommaient parfois rue de Thison par corruption de langue. Dédaignant l’entrée principale, elle s’immobilisa devant une porte basse munie d’un judas et cogna trois coups contre le battant de bois gris. Aussitôt, le judas s’entrouvrit et une voix grave demanda :
    — Le mot, mon frère.
    Hugues de Plisans rabattit l’aumusse 1 qu’il portait sur son mantel et l’épela. La porte s’ouvrit. Il pénétra dans l’hostel de Tiron.
    — Il vous attend.
    Plisans emboîta le pas à l’homme qui brandissait devant lui une esconce. Ils longèrent un couloir éclairé de

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