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Lacrimae

Titel: Lacrimae Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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torches, puis abandonnèrent la lumière pour gravir dans la presque obscurité un escalier de bois, seulement guidés par la flamme hésitante du lumignon.
    L’homme s’immobilisa devant une porte, la poussa, sans se préoccuper de frapper, puis disparut, happé par la pénombre du couloir. Plisans avança. Un haut moine émacié, au regard très bleu, se porta à sa rencontre, mains tendues en accueil.
    — Seigneur abbé, mon cher oncle. J’espère que le voyage de votre abbaye de Tiron, dans le Perche, ne vous fut pas trop rude.
    — Non pas, mon bien cher Hugues. N’oubliez pas que je fus soldat et que j’ai ciré la selle d’un bourrin fort rustre, mais valeureux, jusqu’en Terre sainte ! s’esclaffa l’autre. À ce vilain pli qui vous barre le front, je me doute que les nouvelles sont mauvaises. Assoyons-nous devant le feu et me narrez. Nogaret ne sera pas notre allié, n’est-ce pas ? Nous ne pouvons espérer, grâce à votre entremise… le retourner en la faveur de votre ordre auquel je suis si attaché ?
    — En effet, mon oncle. Nogaret n’est l’allié de personne. Il ne sert que le roi.
    Le doute qui avait rongé Plisans depuis des mois s’était évanoui. Sa foi brûlante lui imposait d’obéir à Dieu. Que lui importaient les manigances des hommes, fussent-elles d’un souverain ? Dieu n’avait jamais souhaité la dissolution du Temple. Seul Philippe s’acharnait à broyer une entité trop puissante qui échappait totalement à son autorité, une armée redoutable, réunie en Occident depuis la débâcle de Saint-Jean-d’Acre et qui le pouvait un jour menacer 2 . Les banquiers du monde chrétien avaient fières lames et, soldats du Christ, ils n’étaient de nul royaume et n’appartenaient à personne, hormis Dieu.
    — Mon neveu… hésita Constant de Vermalais, frère de la mère d’Hugues. Je connais votre belle âme intègre. Concernant M. de Nogaret, ne pensez-vous pas que…
    — Que je trahis la confiance et l’amitié qu’il a placées en moi ? Peu importe, mon oncle. Les enjeux sont bien trop colossaux. Nogaret voit la France, le roi, aujourd’hui, dans dix ans, vingt peut-être. Nous voyons l’éternité, l’infini. Certes, nous avions espéré que nos arguments, gentement expliqués, porteraient, l’inclineraient de notre côté. Tel ne fut pas le cas. Tant pis.
    — Que suggérez-vous ?
    — Nogaret ignore ma place véritable dans l’Ordre. Il n’a aucun moyen de l’apprendre. Nous nous méfions de leurs espions et ils sont fort repérables. Tous mes frères sont sur le qui-vive.
    — Confident et conseiller occulte de Jacques de Molay, résuma l’abbé.
    — Hum, à ceci près que notre grand maître ne m’écoute plus guère, son obstination l’aveuglant, et qu’il est en vilaine posture. Je le connais si bien ! Il ne cédera jamais. S’il est digne, vaillant, il manque de subtilité. Or seule la subtilité pourrait nous sauver. Je redoute d’effroyables conséquences à son opiniâtreté. Il espère en l’aide de Clément V. Il a grand tort. Nous devons nous préparer à un déferlement contre lequel nous ne pourrons plus rien dès qu’il aura commencé. Il me faut sauver ce que je puis de mon ordre, mon oncle, avec votre précieux concours. La porte de l’abbaye de Tiron est-elle encore sauve ?
    — Toujours et tant que je vivrai. Nombre de vos frères sont déjà partis rejoindre nos abbayes filles en Angleterre 3 ou en Écosse, dont celle de Kilwinning. Fort heureusement, notre trésor est replet, me permettant de les aider en discrétion. Trois de mes bons fils m’assistent. Ceux en qui je puis avoir aveugle confiance.
    — Dieu vous sourie, mon oncle ! remercia le chevalier templier.
    D’une voix sans appel, presque méprisante, le seigneur abbé rétorqua :
    — Je ne tolérerai jamais que ce Philippe, flatté et chambré 4 par les courtisans qui eurent l’heur de plaire à sa défunte épouse, décide de la destruction d’un ordre soldat qui se battit, souffrit, mourut pour porter la bannière du Christ et protéger l’Occident. Eh quoi ? Le voilà bien faraud de s’attaquer à la mémoire d’un pape qu’il ne parvint jamais à faire plier de son vivant ! Puisque nous ne pouvons attendre de chape-chute 5 pour nous avantager, agissons tant qu’il en est temps. La pierre rouge ? Est-elle toujours en possession de l’évêque Foulques de Sevrin ?
    — À ma connaissance, répondit Plisans. L’Inquisition

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