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Lacrimae

Titel: Lacrimae Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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rencontrer aussitôt Charon. Le jeune homme bafouilla en faisant des moulinets de poignet, la plume qu’il n’avait pas lâchée projetant de minuscules gouttes noires sur le sol et son protège-manche 3  en gros lin déjà maculé d’encre :
    — C’est que… eh bien, messire, c’est que…
    — À l’instant !
    N’attendant pas de permission, le bailli se dirigea vers la porte du bureau du notaire.

    Évrard Charon bondit de son siège à son entrée. D’un geste affolé, il retira les lourdes béricles 4 qui lui faisaient paraître les yeux aussi globuleux que ceux d’un têtard et tenta de les dissimuler sous les rouleaux de papier qui encombraient sa table de travail. Louis d’Avre réprima un sourire. Lui aussi ne parvenait presque plus à lire sans ces grosses lentilles montées dans des cercles de plomb, mais se serait fait hacher menu plutôt que d’avouer y avoir recours.
    Évrard Charon était un petit homme replet qui respirait l’aisance et la bienveillance. La calvitie lui dessinait une sorte de tonsure, assez précoce puisque le notaire ne devait guère avoir plus de trente-cinq ans. Les yeux ronds, aux prunelles d’un chaleureux noisette, semblaient s’étonner de tout. Empressé, il contourna le bureau à la hâte et salua bas l’arrivant.
    — Oh, seigneur bailli… quel honneur inattendu… véritablement quel honneur ! Et que puis-je… pour vous plaire…
    La rumeur, que Louis d’Avre s’était fait conter dès son retour à Nogent-le-Rotrou, voulait que Charon ait amassé une appétissante fortune en bénéficiant de sa connaissance des transactions immobilières. Cependant, aucune vilaine histoire n’entachait sa réputation. On le disait fort pieux, de plaisant commerce, charitable et toujours réservé sur ses jugements et commentaires. Un portrait qui confirmait la succincte évocation qu’en avait fait l’abbé Constant de Vermalais.
    — Me renseigner sur vos liens de parentèle avec mon secrétaire, Leonnet.
    Étonné, amusé, le notaire déclara :
    — Ah, ça, mais il s’agit de mon bon cousin germain ! Oh, comme vont les choses ! J’étais certain que vous le saviez.
    À sa mine ravie, le bailli conclut qu’il n’était pas encore au fait du meurtre de son « bon cousin ». Embarrassé, il lâcha donc de façon assez brutale :
    — Leonnet Charon a trépassé, il y a quelques jours, à Tiron.
    Le visage un peu rebondi se figea. Les yeux s’arrondirent davantage. Une pénible déglutition se fit entendre. Puis, d’une voix presque aiguë, Évrard Charon s’enquit :
    — Que me dites ? Trépassé… Comment cela, trépassé ? Nous soupâmes ensemble le mois dernier… il semblait en belle forme !
    Le bailli ne connaissait aucun moyen d’annoncer de gente manière une effroyable nouvelle, aussi enchaîna-t-il, sans ménagement de langue :
    — Occis. Poignardé. Dans le poulailler d’une auberge.
    Blême, le notaire se laissa choir, assis sur le bord de sa table de travail.
    — Quoi ? Enfin… Il allait… reprendre femme… Après un long et douloureux veuvage, précisa-t-il comme si ce détail aurait dû être de nature à prévenir son meurtre.
    — Soyez assuré que je n’aurai de cesse d’arrêter le coupable, maître. Sur mon honneur. J’en fais affaire personnelle.
    Un silence s’installa. Louis d’Avre sentit que le petit homme replet revivait les derniers souvenirs heureux partagés avec son cousin. Il se félicita d’avoir passé sous silence le sinistre détail de la main coupée.
    — Dieu du ciel, que sommes-nous, que sommes-nous ? Un jour bien vif, le lendemain sous terre, murmura le notaire, au bord des larmes.
    — Monsieur, l’objet de ma visite n’était certes pas de vous asséner cette tragique nouvelle.
    — Ah… ?
    — Non pas. Selon le seigneur abbé de l’abbaye de la Sainte-Trinité à Tiron, vous auriez prêté main experte à l’un de ses fils, un certain frère Étienne, afin de vous assurer de l’authenticité de reliques qu’il achetait pour le compte de son ordre ?
    Revenant à un monde plus stable, celui de son office, le notaire se reprit :
    — Si fait. Il y a grand péril à traiter avec des marchands de sacré. Certains sont des aigrefins sans vergogne, qui vendraient leur mère pour en tirer profit. D’autres, des abusés de bonne foi. Quoi qu’il en soit, mon devoir, mon honneur, ma foi m’ordonnaient d’en garder frère Étienne. Un être de douceur et de ferveur.

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