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Lacrimae

Titel: Lacrimae Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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dans le bouquet de feuillage de fin d’automne, d’un vert vivace qui tranchait sur l’ivoire de sa peau, serré entre ses mains jointes.
    Druon et Avre se signèrent et se turent pour une courte prière muette. Ci-gisait une tendre âme d’enfant dans le corps trop lourd et malhabile d’un demeuré.
    Druon détailla ensuite la large blessure qui entaillait l’abdomen de Nicol. Une seule, très profonde. Cette fois-ci, le meurtrier n’avait pas abandonné son coutelas planté dans sa victime et, sans qu’il sut pourquoi au juste, Druon se convainquit de l’importance de ce détail.

    Lorsqu’ils rejoignirent la salle, maîtresse Borgne semblait un peu apaisée par leur hommage. Son Nicol ne partirait pas tel un gueux. Des gens d’importance et de savoir avaient prié pour lui. Un seigneur bailli et un aesculapius , pas de la roupie ! Parce que leur prêtre, il était payé à la prière. Plus les pièces étaient généreuses, plus son homélie durait et plus le défunt se parait de qualités. La preuve, à l’entendre juste avant la mise en terre, Martin Borée frisait l’angélisme, ce qui en avait fait glousser certains, dont elle, de derrière leur main.
    D’un geste discret, le bailli intima au mire de se reculer au fond de la salle. Lorsqu’ils furent assez loin pour être certains que Cécile n’entendrait rien de leur conciliabule, d’autant que son épouvantable chagrin la rendait imperméable au reste du monde, Louis d’Avre demanda d’une voix basse :
    — Mire, pensez-vous que le meurtrier de ce pauvre Nicol soit le même que celui des trois autres ?
    — Je ne sais. Si tel est le cas, il ne détestait pas le simple, contrairement à ce moine, Borée ou votre secrétaire. Il n’avait rien à lui reprocher de particulier.
    — Un crime de quoi, alors ?
    — Il est encore trop tôt. Mais je finirai par trouver.
    — Pensez-vous que nous ayons affaire à un… dément… maudit… qui se complaît dans le sang ?
    — Non… Voyez… Robert nous a dit que le tueur avait recouvert le visage de Nicol de la guenille qui lui tenait lieu de tunique. Une marque de respect, d’affection, presque. Il ne s’agit pas d’un crime de haine. Ni de démence. Avez-vous remarqué sa blessure ? Sa netteté, sa profondeur ? L’on voulait que la mort fût rapide, sans inutile souffrance. Un privé de sens, plongé dans son délire sanguinaire, eût frappé à maintes reprises, sans se préoccuper du tourment qu’il infligeait. L’on devait tuer Nicol pour une raison qui reste à déterminer… tout en l’épargnant le plus possible.
    — La tendresse des fauves ?
    — Jolie expression, concéda Druon. Assez justifiée dans le cas qui nous occupe. Ce notaire, cet Évrard Charon… peut-être une coïncidence. Ainsi que l’a justement souligné le seigneur abbé, le nom est commun.
    — Je me rends sur l’heure à Nogent-le-Rotrou et serai de retour au demain.
    — Durant ce temps, je requiers de vous, seigneur bailli, avec tout mon respect, la permission de fouiner chez maître Borée.
    — Votre flair ? plaisanta Louis d’Avre.
    — En possèdé-je seulement un ? Disons plutôt l’absence de pistes tangibles.
    — Quoi ? Pas d’intuition de votre part ?
    — Je me défie des intuitions. On a tendance à s’y accrocher trop, négligeant des faits bien réels, au prétexte qu’ils ne les illustrent pas. J’observe, j’analyse, je compare et je déduis. Voyez-vous messire, je déplore que la vaste intelligence, dont Dieu a bien voulu nous pourvoir, ne serve bien souvent qu’à justifier a posteriori nos erreurs de jugements, la plupart dues à nos intuitions erronées.
    Un gloussement salua sa remarque. Louis d’Avre déclara :
    — Morbleu, que cette sortie me plaît ! Avec votre permission, je la resservirai !
    Druon réprima un sourire et poursuivit :
    — Quoi qu’il en soit, ce Borée m’intéresse fort. Il a péri de la même manière que frère Étienne et Leonnet Charon.
    — Ma permission vous est acquise. À vous revoir bien vite, monsieur.
    1 - Ils étaient fort dispendieux à l’époque et réservés au culte ou aux grandes occasions.

XXXVIII
    Alençon, novembre 1306
    U n coup discret frappé sur la haute porte sculptée de son vaste bureau tira l’évêque Foulques de Sevrin de sa déplaisante rêverie. Où s’étaient enfuis les jolis rêves ? Avaient-ils battu en retraite après l’effroyable trépas de Jehan Fauvel, ou déjà avant ?

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