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Lacrimae

Titel: Lacrimae Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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félicita le chef des gardes, car, de fait, le bonhomme Michel Loiselle était plutôt du genre placide. Toutefois, si l’inclinaison de l’Évêque avait été inverse, le garde se serait fait fort de lui fournir d’aussi bons arguments pour pendre le condamné.
    — Mon fils, en votre âme et conscience, et puisque vous le « côtoyez » depuis quatre ans, que pensez-vous de ce Loiselle ? Avant tout, est-ce un bon chrétien ?
    — Oui-da, sur ma foi ! Il prie chaque jour. Jamais un blasphème contre Dieu tout-puissant ou contre l’Église.
    — Fort bien. Il me faut m’entretenir avec lui en confidence, afin de sonder son âme. Menez-moi.
    — C’est que, ça pue à dégorger en bas, Monseigneur. La pourriture, les excréments, la moisissure. Pas la place d’un prélat, si m’en croyez.
    — Le gentil fils qui s’inquiète de mon confort, le flatta l’évêque. Que faire, alors ?
    — Ben, l’est pas dangereux. J’puis l’entraver et le pousser céans. Vous pourriez vous installer en aise sur les bancs, précisa-t-il en désignant la longue table en bois presque noir. Moi, j’resterai en bas pour m’assurer qu’on vous dérange pas. Ce s’ra comme une confession, non ?
    — Si fait. Belle solution. J’attends cet homme.
    Crasseux, amaigri, ravagé par ses quatre ans de captivité dans une geôle putride, dans laquelle il n’avait pas revu la lueur du jour, s’était contenté des rations de famine qu’on voulait bien lui porter, Michel Loiselle se tenait voûté, debout devant l’évêque. La tête basse, clignant des yeux tant la lumière soudaine le blessait, il murmura :
    — J’ai eu grand tort, Monseigneur.
    — Certes. Assoyez-vous, mon fils. Discutons. Nos paroles resteront en stricte confidence. Je l’exige.
    Loiselle obtempéra. Murmurant toujours, il avoua :
    — Je ne m’en voudrais jamais assez. D’autant que j’ai laissé mon épouse seule, avec deux petiots à élever. C’est elle qui souffre le plus.
    — Cette remarque vous fait honneur. Je me suis levé un matin, en pensant à vous, mentit Foulques. M’est soudain venue la conviction que j’avais été trop sévère, manqué de charité. Après tout, ce chanoine aurait violé votre femme si elle ne s’était âprement défendue. L’intention coupable se trouvait donc de son côté.
    Loiselle leva le regard et le considéra, sidéré, n’osant parler. Foulques poursuivit :
    — Cela étant, votre acte était répréhensible. Toutefois, ainsi que le disait saint Paul, « que le soleil ne se couche pas sur votre colère ». Le pardon nous est enseigné par le Divin Agneau. Qui serais-je donc, si je ne pardonnais pas ? Le rachat de votre péché en échange de votre grâce. Voilà ce que je me sens obligé de vous proposer.
    Le cœur de Michel Loiselle s’emballa. Sortir de ce lieu, antichambre de l’enfer où l’on entendait les hurlements de bêtes des suppliciés, soumis à la Question. Un lieu que Dieu et les hommes avaient déserté. Un lieu où l’on devenait une pauvre bête ou une bête méchante, luttant pour sa survie. Retrouver sa femme, ses enfants. Retrouver la lumière, le monde des vivants. L’objet de toutes ses prières depuis des années. Dieu l’avait-il entendu ? L’exauçait-il enfin ?
    — Le rachat ? À l’instant. De vous, il ne peut qu’être noble.
    — En effet, mon fils. Il s’agit de sauver du pire une jeune femme, belle, pieuse et probe. Dans la plus grande discrétion. Pour la satisfaction de Dieu. Je ne vous cacherai pas que ses ennemis sont… puissants et que la tâche sera dangereuse et ardue.
    Loiselle sentit que les portes du cul-de-basse-fosse où il avait été jeté s’entrouvraient. Tout valait mieux que d’y rester prisonnier.
    — À votre ordre, sans retenue ni hésitation, Monseigneur. Pour la satisfaction de Dieu et la vôtre.
    — Bien. Votre grâce provisoire sera prononcée demain. Votre épouse, devenue orfraiseuse afin de nourrir vos enfants, recevra une généreuse bourse. En revanche, vous n’aurez pas droit de la rejoindre, sous peine d’être emprisonné à nouveau, avant d’avoir mené à bien votre tâche : retrouver cette jeune femme pour la mettre à l’abri. Jurez sur Dieu, Son Fils, la Très Sainte Vierge et votre âme.
    — Je le jure. Sur la tête de mes enfants et de ma femme aussi.
    L’évêque se leva en faisant le signe de croix.
    — Soyez béni. Que Dieu vous escorte dans votre mission. À vous

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